28.9.09

POLANSKI



Plutôt que d'applaudir à l'arrestation de Roman Polanski (voir les commentaires terribles sur ce blogue de cinéma).





Plutôt que de jubiler sur ce qu'un artiste n'a pas échappé à la justice humaine (comme si c'était là une grande victoire pour la démocratie!!!).





Plutôt que de faire montre d'une exaltation malsaine devant la punition d'un crime...





Plutôt que d'instrumentaliser sa victime (dont on ne saurait minimiser la souffrance sans tomber dans l'autre extrême), devenue malgré elle le prétexte d'une vengeance absurde.





Et plutôt que de signer des pétitions pour l'empêcher de faire face à la musique (morbide) de la justice états-unienne...





J'aurais aimé que l'on soit triste, infiniment triste du trébuchement dans le mal de quelqu'un qui fut la victime de tant de drames immondes...





Du nazisme à la «famille» sanguinaire de Charles Manson, Roman Polanski a vécu ce que peu d'entre nous auront vécu dans notre petite vie. Quand en plus on ajoute à cela ses exils successifs et l'implacable volonté de le faire payer dont témoignent les États-Unis, à la manière effroyablement réelle d'un Jean Valjean rattrapé par Javert, alors je sens la main d'un destin cosmique, inhumain, manipuler cet être tourmenté, talentueux jusqu'à l'indécence, et écrasé par la mémoire.

Et je maudis ce destin.








Je suis désolé.


Profondément désolé de tout ça. Ce gâchis...















La justice? Quelle justice?

27.9.09

Xavier Dolan



Pourquoi est-ce que j'aime autant Xavier Dolan?





Dimanche, il pleut, je regarde des niaiseries sur Youtube et je me surprends à avoir chaud, à rougir en visionnant des entrevues de Xavier Dolan. Il me fait rire, il accroche mon regard, me plaît. Me fait réfléchir.

Que jamais je n'aurais imaginé un jour fantasmer sur le petit gars des annonces de Jean-Coutu; j'avais 17 ans quand il y jouait le p'tit criss blond.





Que mes amis, ô mes amis, amies "e" surtout, qui ont tellement, tellement voulu percer dans le domaine du théâtre, dans l'industrie cinématographique, n'ont peut-être pas moins de talent que lui, mais n'ont jamais osé être, c'est-à-dire travailler et se croire, travailler sans relâche, ce qui est une autre façon d'être. Tout comme moi : moi je n'ai jamais osé être, jusqu'au bout, ce que je voulais être. Je rêvassais alors que d'autres bossaient sur leurs projets. J'espérais... j'espérais être pris sous une aile protectrice d'emblée, échanger mon corps glabre et svelte d'adolescent contre les conseils et les conditions de travail et les caresses et les discussions d'un mentor. J'en ai rêvé, j'en ai connu... et je n'en ai rien retiré, sauf des bleus sur les fesses et sur l'âme. D'abord, j'aurais dû attendre d'être majeur... Et peut-être aussi n'avais-je pas le bon goût de me trouver un mentor vraiment très vieux et très influent, très doux aussi. Au lieu de ça, je me contentais de professeurs. Bad choice.

J'ai toujours écrit. Mais je ne comprenais pas vraiment le but, le sens de l'écriture. Je n'avais pas cette intuition géniale qui firent Lautréamont violer toutes règles, Rimbaud embrasser toute la langue et toute l'histoire de la littérature française. L'intuition juvénile... dictant des oeuvres à vu de nez. Au pif. Suivant ses (bas) instincts. Et pourtant, je recevais des marques d'admiration, d'encouragement, et, ce qui est tout aussi dommageable que les précédents, des réactions de rejet, de haine. Plus jeune, il m'arrivait de perdre complètement le sens de la réalité, à cause de ça.

L'été dernier, je connus, au sens biblique du terme, un jeune padawan terriblement beau, d'une beauté vraiment infernale, et surtout, extrêmement intelligent : école internationale, études brillantes, du talent fou pour le cinéma, et une volonté canalisée dans le travail (critiques de films, en anglais, et courts-métrages, etc.). Nos échanges étaient épiques, nos baises étaient torrides, nos rencontres, sporadiques. Trop sporadiques. J'étais amoureux de lui. Il n'avait que 18 ans (genre). Il m'avait d'abord menti sur son âge, le petit con. Je le voulais pour moi, que pour moi, je me sentais inspiré par lui comme je ne le fus jamais que par l'Achigan et peut-être aussi par quelques autres, de manière plus limitée, et je le voulais comme padawan, comme un espèce de disciple. Çà! je me prenais, à mon tour, pour un mentor. Un sale mentor de merde; il eut probablement aimé que je lui fasse davantage de bleus sur les fesses, en bon mentor, mais je préférais les lécher et les caresser goulûment, délicatement, amoureusement.

Et c'est moi qui eut encore les bleus sur l'âme. Je me fis très mal dans cette relation. Je finis par en perdre la tête. Bref, passons.



Il me plaisait comme me plait Xavier Dolan, et dans ce que je perçois de Xavier Dolan, et dans ce que j'aime trouver dans Xavier Dolan, et dans ce que j'aimerais être, moi.


Le mot est lâché : moi.


Peu importe sur qui je bande, avec qui je joue à la bête à deux dos (ou à trois ou quatre dos, d'ailleurs). Peu importe que ce soit fille ou garçon ou les deux entremêlé dans le même individu. Le type, l'idealtype que représente Xavier Dolan m'est irrésistible : d'une exquise jeunesse, l'air à la fois intello et fatal à la Johnny Depp, le talent, le talent, la force immense et inexpugnable du talent brut! de la volonté de faire, de créer, de s'imposer... cette force éminemment érotique, érotisante de celui qui réussit à canaliser, à sublimer quelque chose dans l'oeuvre et dans la présentation attirante de l'oeuvre. Pierre Lapointe dégage ce même charisme, et Nelly Arcand l'avait, et mon Padawan l'aura certainement, quand il aura créé une oeuvre de quelque importance.





On peut et on doit croire en ses amis. Bien sûr, la plupart ne réussiront pas. Pourquoi est-ce que Pierre Lapointe pouvait se permettre une telle assurance, une telle arrogance, sans faire fuir les gens, au contraire en attirant encore davantage les gens, charmés par sa dégaine, sa fougue, son professionnalisme? Pourquoi est-ce que chez d'autres, chez d'aucuns n'est-ce qu'insupportable? Pourquoi Xavier Dolan et pas tant de gens que je connais qui peinent à survivre dans le milieu cruel des arts de la scène? Je ne sais pas. Mais ce que je sais, c'est que contrairement à ce que l'on entend, et contrairement à tous les préjugés ou les réserves qu'on peut légitimement ou non avoir (et que j'ai eu dans le cas de Nelly, jusqu'à récemment), Xavier Dolan et Nelly Arcand et Pierre Lapointe méritent amplement le succès qu'il eurent dès leur première oeuvre.





J'aime Xavier Dolan car je vois en lui le type de jeune homme, de si tendre beau jeune homme fier, qu'une culture en train de naitre (ou de renaître) peut produire : pas la culture au sens de ministère de la culture, de subventions et d'industrie de masse ; culture au sens de Paris à la Belle Époque ou au temps du surréalisme, de Londres au temps des dandys ou des punks, de Vienne au temps de l'Empire austro-hongrois, celui de Freud et de Kafka. Le genre de culture qui, après une phase plus ou moins longue de défrichage épique, glorieux, de bric et de broc mais si exaltant (de St-Denys Garneau à Michel Tremblay, en passant par le Refus Gobal, à peu près), après une phase sombre de vide cuturel quasi fatal (les années 80 et début 90, à peu près), ne se rend pas tout à fait compte encore que les amarres sont lancés et que la qualité, la diversité, la beauté, le dynamisme sont en train d'atteindre un niveau inégalé.

Je le sens dans l'air. Je le vois autour de moi. J'en suis avide.



Xavier Dolan, c'est le jeune prodige que toute une société a réussi à laisser s'engendrer malgré les erreurs de parcours, malgré les rednecks anti-intellectuels et anti-artistes, homophobes et racistes, malgré les politiques de droite, malgré les émissions de télé ou de radio minables, malgré Denise Bombardier et Paul Sarrasin et Mario Pelchat, malgré la mode du brun, puis du pastel, et du fluo... Et peut-être aussi grâce à tout ça, grâce à une mystérieuse dialectique dont le mécanisme nous échappe. Xavier Dolan, comme Pierre Lapointe, comme de plus en plus de jeunes créateurs plus jeunes que moi, ou de mon âge, représente l'ouverture d'une culture vers une autre étape de son histoire, vers une rupture et un agrandissement des frontières de l'art.





Tant de jeunes brillants auteurs, compositeurs, artistes visuels furent détruits par notre province... André Mathieu, par exemple. Saint-Denys Garneau se croyait tel. Et Huguette Gaulin. La danse contemporaine agonise sous les coups répétés des politiques sauvages des Conservateurs. Et d'autres furent obligés de fuir, de s'exiler, ou de se faire publier ailleurs. Réjean Ducharme. Borduas...



Je suis amoureux de Xavier Dolan. Même si, le rencontrant quelque jour, nous ne nous aimons pas, nous nous haïssons même, je serai amoureux de lui. Car j'admire ce qu'il est. Il me donne envie d'encourager les gens que je lis, que je connais, que je croise, que je vois à l'oeuvre. Il me donne envie d'y croire, de rencontrer d'autres beautés extraordinairement érotisante de succès comme lui. Il me donne envie de participer à cette vie culturelle qui n'est plus celle des chroniques culturelles du Tj de Rad-Can (vous savez, ces bonnes vieilles chroniques culturelles plates de l'autre grand chauve jovialiste...). Il me fait réfléchir au nouvel horizon, en rupture avec l'ancien sur tant de points importants, qui est le nôtre, désormais.

Ce que je fantasme pour les Lettres, Xavier Dolan et d'autres me le montrent comme étant possible dans leurs propres domaines artistiques. Et même si je reste, pour une raison ou une autre, à l'extérieur du mouvement, si j'échoue dans mes projets, j'aurai une place de choix pour l'observer et l'applaudir. Et ce sera bien.

Cent une fois sur le métier

Je suis un indécrottable foucaldien, vous le savez, et vous en êtes parfois impressionnés, parfois dégoûtés.

Michel Foucault : philosophe, historien, herméneuticien du sujet... tous titres qui ne veulent pas dire grand'chose, et qui rebutent. On le porte aux nues ou on l'utilise pour ridiculiser les intellos qui se croient très chics de le citer dans des apéros dinatoires mondains. Mais si on connaît les engagements intellectuels, politiques (souvent identifiés à gauche, parfois à tort) de Foucault, on connaît moins son formidable travail sur les archives, qui le rapproche d'un autre grand penseur souvent cité et très connu, Noam Chomsky. Comme Chomsky, Foucault était un immense chercheur. Un rat de bibliothèque. Le genre à passer à travers toutes les archives d'Europe sur un sujet. Archéologue des idées.






Ce que cette pratique implique, avec sa mise en avant des textes les plus obscurs, des rapports de police et de lettres de cachet, des prescriptions et des notices discrètes, c'est de ne pas se soucier de l'Auteur. On fouille, on fouille, on met en relation et on analyse des textes qui sont le résultat de siècles de gribouillage anonyme. Bien sûr, après, il y a des individus derrière ces amas de mots, alors on en parle, on contextualise. Renaît, phénix, l'auteur de ses cendres...


Ainsi, cette pratique aura plusieurs conséquences étonnantes, dont Foucault fut le père, l'initiateur, le grand découvreur pour nous :

- Dépasser la tradition en allant au-delà des "grands" auteurs, des "bons" auteurs, des génies. Ces derniers sont souvent considérés tels par une structure épistémique en lien étroit avec un pouvoir qui tente de justifier des pratiques sociales (enfermement, théories monétaires, etc.) en fonction d'un ordre de la vérité donné.

- Donner la parole à ceux qui ne l'eurent jamais ; les prisonniers, les fous...

- Dévaloriser le titre d'auteur.

- Juger autrement les oeuvres que sur la seule perfection classique de la forme, de l'orthographe, des préjugés : oui, la beauté et la perfection existe, et il y a des gens plus talentueux que d'autres, il y a des Mallarmé et des Rimbaud ; mais, comme dirait Paul Veyne, est-ce là ce qui est le plus intéressant? Tout dépend de ce que l'on cherche, de ce que l'on étudie. Ce qui est intéressant peut être très mal écrit, très faible, très naïf et très médiocre. Ça dépend...



Si j'applique, selon mes propres observations, ces quelques idées à mon précédent billet, je pense que la blogosphère et le Web 2.0 (que Foucault, malheureusement, n'a pas connu parce qu'il est mort trop jeune) est une nouvelle manière d'accumuler, indéfiniment et de manière presque exponentielle, du texte, du discours. Est-ce que tout ce que le web renferme est intéressant? Bien sûr que non. Mais encore là, tout dépend de ce que l'on cherche.

Si l'on cherche à y lire seulement ce que les Académiciens considèrent comme des parangons de littérature française, ou comme des classiques absolus, ou comme des témoignages forts de la Culture avec un grand Q, alors on risque d'être dégoûté. Souventes fois mon cher Alex m'a reproché de lire de mauvais blogues, des trucs mal écrits et subjectifs et déprimants, le genre de blogues que ridiculise Hispong avec son cher humour grinçant, dérangeant. Irrévérencieux. Dernièrement, Papine, nouveau venu sur la blogo, a fait une sortie contre les blogues qui n'ont comme prétexte que d'exposer le quotidien plate de leurs auteurs. Dernièrement aussi, Simon les Nuages s'est fait rentrer dedans par un lecteur qui lui reprochait de raconter sa vie en la considérant comme intéressante à lire... Et souvent, la blogosphère est secouée par des crises d'identité profondes, causées par une supposée "uniformisation", une "médiocrité", que sais-je encore.

Pourtant, c'est dans la diversité de l'offre que se trouve la clef du web, sa liberté fondamentale, et son mode de fonctionnement. Le lectorat y est limité, peu expressif, souvent de piètre qualité, et consiste en général en blogueurs qui se lisent et se ploguent entre eux (ce que Le Détesteur déteste). C'est étrange comme on a une vision paradoxale du lectorat : il devrait être innombrable mais de qualité; il devrait être capable de reconnaître ce qui est un bon blogue, mais sans créer d'effets de mode, d'effets de popularité soudaine qui discréditent un blogue; il devrait être actif dans les commentaires, mais pas trop; il devrait être, logiquement, représentatif de la société, mais entre les trolls et les partisans de la théorie du complot, on ne sait plus trop si la réalité recouvre beaucoup (plus) de marde (qu'on pense) ou si la marde a tendance à s'exprimer davantage...



Foucault était comme tous les êtres d'exception, comme tous les intellectuels raffinés de son temps : il préférait la musique classique ou contemporaine à la musique populaire, et la grande littérature aux romans de gare. C'était un homme qui semblait très révolutionnaire en allant manifester devant les prisons françaises, ou quand Blanchot l'a croisé à la Sorbonne durant Mai 68 (ce que Foucault a toujours nié, prétextant qu'il était en Tunisie durant les révoltes étudiantes), mais qui était ami, dans sa vie privée, avec des hommes de droite comme Georges Dumézil, et qui conduisait une jaguar... Foucault, l'homme qui donnait la parole aux prisonniers et aux fous, disait à son ami Paul Veyne que les fous étaient fort ennuyants...

Moi aussi je suis dans une certaine mesure un homme du passé, un aristocrate de la pensée et de l'écriture : mon français est classique, mes lectures sont classiques, mes goûts (desquels on ne discute pas...) sont plutôt exigeants. Et pourtant...

J'apprécie ce qui est différent de moi, et je sais ce que je cherche. Je sais apprécier des textes (parce que c'est de cela qu'il est question) autrement que pour leurs qualités littéraires (ou leur absence de).


Je crains davantage les partisans des autodafés que les scribouilleurs du dimanche. Je crains davantage les "grands inquisiteurs" qui censurent à tour de bras, crachant des anathèmes et des fatwas sur ce qui leur déplaît, que la multiplication des écrivains soporifiques, des poètes torturés et des chanteuses star-académiciennces. Je crains l'amertume et l'intolérance bien davantage que le kitsch, les mièvreries et les fautes d'orthographe.


Moi aussi, j'ai envie d'écrire. Je le fais. Je ne demande la permission à personne.


Est-ce cliché que d'être un jeune poète homosexuel du Plateau qui lit Foucault? Oui. Totalement. Je n'ai pas peur des clichés. J'ai peur de l'autocensure qu'engendrent toujours la censure, la violence et la dictature, surtout la plus sournoise de toute, la dictature des faux-cul et des bénis-oui-oui, des lèche-bottes et des bien-pensants.


Écrivez. De toute façon, vous ne plairez jamais à tout le monde, et vous ne pouvez vous fier ni à la postérité, ni aux reconnaissances (prix littéraires, statues, etc.) pour que votre oeuvre soit lue, reconnue. Évidemment, ça va vous apporter des déceptions. Même si vous n'espérez pas aller un jour gagner la médaille d'or aux Olympiques, vous avez le droit de courir, non? Je vais quand même vous y encourager, basta!


Il faut écrire. Point.

25.9.09

Cent fois sur le métier...




Je suis trop fatigué pour écrire.



J'ai les yeux qui chauffent, qui partent dans le vide, qui sautent comme des genoux de petite grosse nerveuse lisant son Twilight. J'ai les yeux d'un pothead. Mais j'ai surtout les doigts qui me démangent d'écrire. Seulement... je suis trop las pour être vraiment là.



Durant ma pause, lecture de blogues, trop longtemps délaissés, et soudain, le choc, l'émoi, le trouble s'empare de moi. Il faut que j'écrive. Il le faut. Que j'écrive. Il faut le dire, il faut tout dire, il faut. Écrire.




-- Pourquoi donc? Alors que les arts suscitent rarement l'émulation du plus grand nombre de ses publics, l'écriture a cet effet étrange, souvent dénoncé, de stimuler la volonté d'écrire. «Il y a trop d'auteurs.» «Tout le monde veut écrire...» Cioran se faisait cette remarque irritée, étonnament irritée : comme si la simple maîtrise, même adroite, d'une langue, faisait de tout un chacun un Écrivain en puissance! comme si tout le monde avait quelque chose à dire... comme si la plupart des individus sur cette fucking Terre n'était pas puissamment et fondamentalement médiocre...



Et nos amis, aussi béotiens que nous, ou encore plus, sont délicieusement tentateurs à ce sujet : «Tu devrais écrire!» «Tu as déjà pensé te faire publier?» Ça flatte l'ego, ça nous donne, à peu de frais, l'impression de faire partie des Artistes, de ces êtres profonds, intelligents, émotionnellement riches et peut-être, aussi, dignes de passer à la postérité.




Postérité : mécanisme automatique de reconnaissance du génie. Très efficace, d'ailleurs, puisque les vrais génies sont souvent ignorés de leurs contemporains.



Contemporains : les vrais ennemis de l'art. D'ailleurs, l'art le moins «artistique», c'est-à-dire l'art qui n'en est pas un mais qui alimente le ténébreux «marché de l'art» ou la non moins calamiteuse «industrie du livre» (avec leur référence directe au capitalisme qui, comme chacun sait, est tout sauf «arts friendly»), s'appelle toujours contemporain. Ce n'est pas pour rien!



Rien : fondement ontologique de la blogosphère. On y écrit de «petits riens» ; ceux qui ne sont rien peuvent y trouver leur quinze minutes de gloire -- si Patrick Lagacé daigne les ploguer (et il est mieux de le faire, parce que sinon c'est vraiment un pisse-copie, un snob! du Québec entier le pire des journalistes!).



Journalistes : fumistes qui s'alimentent discrètement aux blogues de gens plus libres qu'eux pour alimenter leurs journaux qui alimentent la caisse des gros empires médiatiques qui alimentent les théories de complot.





Je n'arrive pas à mettre le doigt sur ce qui me fatigue là-dedans, parce que je suis trop fatigué. Mais ce que j'ai BESOIN de dire, d'écrire, c'est ceci : il n'y a pas trop de blogues, il n'y a pas trop d'auteurs, il n'y a pas trop de points de vue, de perspectives, de discursivités contradictoires, de manières de penser, de publications.




Ceux qui cherchent à limiter l'accès à la liberté de penser, de s'exprimer, d'écrire, de publier, sont frères des aristocrates de jadis. Ils n'ont pas le sang d'une autre couleur : c'est leur lubie fascisante, c'est leur folie des grandeurs, et qu'on n'est pas obligé de partager à partir du simple critère subjectif de l'impression. «J'ai l'impression qu'il y a trop d'auteurs» semble être l'écho de «Pour diriger un pays, ça prend un homme fort, un meneur d'hommes!» : give us a break for God sake!




J'aime la monarchie britannique parce que la reine y est une relique du passé, comme un vieux livre, ou plutôt, comme une vieille bibliothèque : la bibliothèque ne décide pas de ce qu'il y a dans les livres qu'elle contient ; elle sert de forme visible (les Livres, les rayons, les éboulements, les enfers) à ce qui est invisible (la Littérature). La reine n'empêche pas la démocratie, au contraire son rôle est précisément de servir de fondement historique au parlementarisme. C'est une vieille dame qui arrive au moment voulu, s'assoit dans un grand fauteuil magnifique, et nous lit des histoires avant que les parlementaires ne nous endorment. Elle tient un grand livre dans ses mains parcheminées, elle est une grand-maman qui serait aussi une fée-marraine, et elle ne décide pas de ce qu'elle nous lit. C'est nous qui décidons cela. C'est nous qui avons voté pour ce qu'elle va lire...




La littérature (au sens le plus large... les Lettres additionnées des Inscriptions et des Archives nationales et des Graffiti et des Bouts de Papier qui Ont Servi à Noter La Liste d'Épicerie Hier), y compris les blogues, doit fonctionner comme une monarchie constitutionnelle, pas comme une dictature. Je veux qu'une grand-maman très-gentille, le soir, me fasse la lecture de ce que j'ai envie d'entendre. Pas de ce que tel ou tel critique littéraire, de tel ou tel gourou médiatisé ou underground ou hipster ou universitaire, aurait décidé pour mon bien.




Que les blogues pullulent ! que les livres s'impriment par milliards et par billions de copies ! que les internets débordent ! que les mémés et les bébés, que les tarés et les autres se mettent à écrire, non pas seulement pour leur plaisir personnel, mais pour que leurs écrits soient accessibles, disponibles. Tout le monde n'est pas disposé ni intéressé à tout lire. Il y a pluralité de lectorat. Comme il y a pluralité de sources de lecture. Il y a pluralité de niveaux d'interprétation, de grilles d'analyse, de critiques possibles, de sources d'inspiration pour réfléchir en solitaire ou en groupe comme il y a pluralité de formes d'écrit.




Le vrai Livre au sens mallarméen, c'est ceci : non pas l'oeuvre d'un seul auteur bien défini (trademark; prix de ceci et docteur de cela, etc) lue par des multitudes anonymes (voire : analphabètes, pour ne pas qu'elles puissent se mettre à écrire des fadaises contemporainement au Génie goethéen, ce monomaniaque qui est, seul, digne d'être lu) ; c'est l'oeuvre éparpillée de milliards d'auteurs anonymes, lue, c'est-à-dire déchiffrée, analysée, recomposée, réécrite, par «moi» en tant que Lecteur (Ecce lecteur ; le seul possible). La pluralité d'auteurs, et l'effacement de la notion d'auteur permettent la plus grande richesse de l'oeuvre, du Livre.





Si vous suivez mon doigt, vous voyez donc que je pointe vers ceci : peu importe la valeur de tel ou tel blogue, de tel ou tel billet, peu importe s'il y a des gens méchants qui n'aiment pas ce que tu écris pourtant avec toutte ton coeur ; tout est potentiellement lu. Et ce faisant, tout, toute cette masse quasi informe de textes qui composent la texture du monde virtuel de la signification, participe à cet effort civilisationnel, esthétique, héroïque qu'est la Culture.




Alors ne pleurons pas la disparition d'une plume, aussi belle fût-elle ; sachons aujourd'hui saluer la beauté pour ce qu'elle est : dispersion.
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Dispersion qui implique, souvent, et c'est correct, disputes, oppositions, discussions, répulsions, horreurs orthographiques et erreurs logiques. Dispersion des signes malgré le pli, ce pli normatif, identitaire, que fait l'homme dans le monde.
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Je... bah, j'abandonne. Pour l'instant, je préfère lire. Ceux qui sont dans ma liste de «bastailleurs en même temps». Et je dois aussi aller me coucher... Je ne sais même plus ce que j'écris...

16.9.09

Oh God...dess!

( Artémis d'Éphèse aux multiples mamelles)


Je succombe encore... Je crois que ça fait au moins vingt ans maintenant. Que je succombe. Devant la Madone. Damned. (Je me sens vieux.) Ça a commencé pour moi très tôt, il faut dire. Avec Boy Georges comme parèdre. Et malgré tout ce que l'on va me dire, malgré toutes les insultes et les mesquineries et les fausses pudeurs des régimbeurs, je vois dans l'oeuvre de cette chanteuse/chorégraphe/femme d'affaires pop, la magie toute-puissante d'une des déesses au sens fort de notre époque ; une prestigieuse prestidigitatrice, une Isis ou une Artémis d'Éphèse. Shalom, Madonna.

J'ai le vent pour amant, ce soir






Je suis parti travailler sans m'apporter de veste, de manteau, de foulard ni quoi que ce soit pour me garder au chaud... et dès que je me sors le bout du nez pour aller m'en griller une, je sens ma peau crier à l'aide... je sens ma nuque hurler en silence, la peur d'une bronchite carabinée ne me quitte plus... il fait froid...


Je ne devrais pas bloguer, je dois travailler, les minutes s'écoulent et c'est effarant, je suis débordé, je suis un peu stressé et j'ai trop bu de café... classique.






Mais dans la solitude qui est la mienne, assis à mon bureau je me demande ce que je fais ici, criss, et si je suis capable de tenir le coup, tout bien considéré. Certaines personnes me manquent terriblement. Et j'ai vraiment très envie de passer du bon temps avec un garçon de mon goût, avec un garçon parce que c'est rassurant l'odeur d'un gars, la bonne odeur jumelle, la sueur soeur... La belle faconde séductrice d'un frère d'arme qu'on suce en paix, à mille milles des rednecks (ou, comme on dit depuis quelques temps autour de moi, traduction québécoise d'une réalité américaine qui ne nous est pas inconnue, malheureusement : les «cous bleus»). (Se réveiller dans le même lit qu'un gars, c'est étrange, c'est troublant et c'est très... odorant.) Je n'ai pas le goût des relations complexes, voire compliquées, ni des promesses ni des lendemains ni des projets ni des beaux-parents : j'ai envie de toucher un pied, une fesse, un lobe d'oreille sans me poser de question, par pure sympathie sexuelle, par pure animalité, sans lendemains, sans lendemains...




Dehors, je veux dire en dehors de mon horaire de dingue, il y a des milliers, des dizaines de milliers de proies potentielles qui m'échappent, qui m'échappent inexorablement. (Pourquoi est-ce que je m'inflige ça?? Pourquoi penser au cul JUSTEMENT quand ça n'est pas le temps, le moment propice, approprié?) Je me morfond et c'est mal. Je me tâte ; je me trouve bien peu fier de penser ainsi, bien peu digne ; je me demande si ce n'est qu'une petite panique normale ou si j'ai un problème de dépendance affective, d'obsession sexuelle, qui ressurgirait ce soir ; je tremble un peu (de froid) ; la musique me fait du bien, aussi, un peu.



L'impression que j'ai consiste en ceci que dans ma «folie» vespérale, je m'imagine qu'en dehors de ma caverne, les corps s'assemblent pour un sabbat de tous les diables, sans moi, et que pour ma part je reste à demi prostré, dans la lumière trop vive des néons, comme dans une obscurité proprement postmoderne, mais l'effet est le même que dans une grotte aux parois grimaçantes de figures composites, graffitées à mains nues : c'est le vertige horizontal de la nuit.

Ma bouche est terriblement sèche. Je ne sais pas si c'est le café ou la peur, mais j'ai l'impression, plus que jamais, d'être vulnérabilisé par ce qui m'est le plus proche : les amis, les corps, les idées, les sensations, les identités, et mon blogue...

Face à mon écran je n'ai que des doutes. À vous offrir. À me servir.


(Peu importe ce que j'écris, au fond ; écrire pour ne plus penser, ou plutôt, écrire pour mettre des mots sur des sensations qui défient toute pensée. Écrire n'importe quoi, soit, mais ça ne règlera pas mon problème de température trop froide pour mon accoutrement, ça...)







-- Oh, et j'oubliais : j'aime beaucoup le blogue de samstg, que j'ai parcouru en entier (il faut dire que c'est un tout jeunot de blogue), aujourd'hui : Le Confessionnal. Simple, bien écrit, c'est un témoignage très sensible, auquel on s'identifie aisément, à propos de l'homosexualité.

15.9.09

Pistes



Mes questions intolèrent les avanies impromptues, celles qui m'éloignant toujours trop tôt de moi-même en tant qu'ouverture sur l'extériorité, sur l'intangibilité du non-moi, malaxent les termes et les temps impartis, les chairs aux molécules si fines qu'on les dirait tissées de larmes de fées, et les moellons mal dégrossis du corps/esprit : épatante pâte, peut-être, mais si frêle, si poids-plume dans le pancrace des heures!






Blanc-seing pour penser, en retard et détriment du rythme réel (travail, travail et sommeil) :



Il y a des matins où, avant même l'aurore et sa force, je pisse la joie par tous les pores ; le parc Lafontaine me répond par ses enchevêtrements sphériques de vieille Diotime stoïcienne aux châles long, allitérés. Bruits pression atmosphérique taux d'humidité demi-jour clair-obscur et sfumato des abstractions tranquillement violentes qui s'incarnent dignement en toute chose reliée/déliée, et je comprends que des dieux il n'est rien à craindre puisque les forces atomiques, subatomiques, nucléaires faible et forte, prises en elles-mêmes, ne concourent à rien sinon à se vouloir elles-mêmes indépendemment du reste, et qu'elles n'y peuvent mais ; et le reste, c'est moi qui marche à 5h du matin dans le parc aux filaments argentés sur les tempestives langueurs des choses...





Perpendiculairement, et c'est tant mieux, je songe aussi que les récits se prennent pour des dieux, ce qui les rend moins hideux que leurs auteurs engoncés dans qui les folies du temps, qui les malices du cloître, qui les foires aux vanités où ils passent, et c'est pure nécessité, toujours déjà à côté de la vie. L'auteur se cherche alors que l'oeuvre se trouve, ou l'inverse, car au fond c'est la même histoire, c'est Homère qui ignore la beauté d'Athènes au couchant, et c'est Shakespeare qui n'est pas Hamlet, et c'est Lautréamont qui se fait enculer très-vite et très-anonymenent dans une ruelle par Rimbaud, et c'est Borges qui n'a jamais lu Tolkien. Découvrir le chef-d'oeuvre inconnu, être le premier, franchir les terrae incognitae avant les béotiens et les coquins, c'est la pulsion ancestrale du mâle alpha qui dévierge tout à grands coups de queue sanguinolente, qui dévierge tout ce qui a des trous et du mou; or la littérature, comme une pucelle ou une pute, a du mou et pleins de petits trous palpitants. Or, dans la débandade du mâle qui suit immédiatement l'éjaculation des mots, toujours de trop, il y a l'impuissance en puissance, la sénilité en émergence, et la peur du vide (celui qui vient d'être pilonné et qui s'est, par osmose, par échange de bon procédé, transféré dans le corps fourbu de l'homme) : éternelle insatisfaction, retour à l'origine, à la matrice, aux noirceurs infectes de la solitude primordiale ; ce n'était que cela... Ça n'a pas duré, tout est à recommencer, ailleurs, toujours plus loin, car on ne dévierge pas deux fois... et il faut continuer de défoncer des cons inexplorés. La bite cherche le vide qui au fond est en elle-même en tant que bite incarnée. Ainsi fait le littérateur, et ainsi parlait le pauvre Zarathoustra... De tous les philosophes qui inspire les jeunes têtes brûlées assoiffées de dépucellage incandescent, incessant, Nietzsche est sans contredit le plus emblématique, sinon le principal promoteur de la chose.







Et pourtant nous sommes quelques uns à croire possible le bonheur près de toi, Arthur Rimbaud! René Char et d'autres montrent d'autres voies, à ceux dont le but n'est pas d'être poète mais de faire de la poésie...





«... et le poète devient l'ennemi amer de la figure du poète. » Et aussi : «Il arrive que les écrivains et les artistes répondent à l'appel de la communauté par un retranchement frivole, au puissant travail de leur siècle par une glorification de naïve de leurs secrets oisifs, ou encore par un désespoir qui les fait se reconnaître, comme Flaubert, dans la condition qu'ils refusent. Ou bien ils pensent sauver l'art en l'enfermant en eux-mêmes : l'art serait un état d'âme; poétique voudrait dire subjectif. » (Maurice Blanchot, Le livre à venir)







À cette forme possible de l'apparence du poète ( c'est-à-dire le crève-la-dalle antisocial, le violent, le fort, le hasardeux que septembre ramène, etc.), qui se veut l'unique, la bonne, la véritable identité du créateur (volonté de puissance, c'est-à-dire de dévierger, de posséder en premier, de dominer les autres, mâles et femelles de la tribu d'origine, du clan toujours recherché/repoussé), nous répondons par une terrible diversité, souvent contradictoire, à mille milles de ces petites images tristes qui font de gosses pleins de talents des psychotiques en devenir, et plus qu'en puissance.






J'ai envie de tous ces étudiants de McGill que je regarde, que j'observe, tout autour de moi lorsque je sors fumer une cigarette, populace bigarrée, tigrée, pommadée et roucoulante, j'ai le sourire négligemment aux lèvres, et la libido au point d'ébullition atteint.





(Je dois m'arrêter pour l'instant ; c'est le temps de me pitcher des garnottes de sur ma face ravagée par la barbe de hipster et l'ironie acerbe du dandy, pendant que je me penche pour ramasser mes boutons de manchette garnis de cabochons rubis, pendant que j'ai la caboche préoccupée par le travail plutôt que par la blogo, pendant que j'ai le cul en l'air et les idées par terre. Bastbises!)

13.9.09

(Inglorious) bastARTS

Ça fait un bail que je ne suis pas allé fouiner dans les musées... Pas le temps! Mais je tente tant bien que mal de me "culturer" sur les internets, en lieu et place. Aujourd'hui, je vous parle donc d'art moderne et contemporain (mes stats de blogueur vont encore subir une chute vertigineuse... duh), grâce à un site anglophone mais belge, today and tomorrow, qui me permet ces temps-ci de garder le contact avec les nouveautés ou les classiques oubliés des arts visuels. Ce blogue, surabondamment alimenté, a comme défaut principal de ne proposer que très peu d'informations complémentaires sur les oeuvres, les artistes et les expositions dont il est fait mention. C'est dommage, mais c'est normal, je crois, à notre époque de "wikipedia"-tisation de l'information bio-bibliographique.

N'empêche que depuis une semaine, je suis complètement obnibulé par ces quatre oeuvres, de différentes époques, de différents styles et d'intérêt esthétique variable, mais que today and tomorrow m'a fait découvrir.




Le 28 août, c'est un classique de la photographie qui m'a éboui. On peine à imaginer que ces oeuvres datent des années 30 (à moins de connaître déjà Man Ray et Hans Bellmer).
André Kertézs a aussi une période new-yorkaise plus connue et plus "réaliste". Mais ça, ça me plait :





Le 31 août, c'est l'artiste français George Rousse qui a fait vibrer en moi une corde sensible à ce genre de travail : des installations temporaires qui ne servent qu'à des séries de photo. J'adore :






Le 3 septembre, j'ai succombé au "glitter", à la lumière des oeuvres de Daniele Buetti. C'est vraiment un de mes plus grands coups de coeur depuis Christine Davis. Même si parfois ça peut tomber, selon moi, dans un conceptualisme quelque peu kitsch, je reste quand même ébloui, depuis dix jours, par ces photographies sur caissons lumineux qui versent des myriades de petites étoiles :






Finalement, ne m'en veuillez pas, mais il fallait que je vous en parle, même si c'est de l'art (op-art? pop-art? ready-made?... non, ça n'est pas vraiment ça...) vraiment facile et très "web 2.0" branché. Permettez que je cite en anglais la présentation de l'oeuvre, car c'est pissant :

Are you sick of the 3rd dimension? Enjoy full 2D with a FUCK 3D -pair of glasses !!! download here !


- Are you annoyed by the people and world around you?
- Do you feel sometimes dizzy walking home in the 3rd dimension?
- But you DO enjoy your 2D – facebook/twitter/browser life much more than the dirty world out there?

F.A.T. brings to you a brand new solution!!! Just switch your whole life to 2D. Get a pair of FUCK 3D glasses, loose the 3rd dimension and enjoy full 2D!!! It never has been so easy!! Life is so much better!!



Qu'est-ce que vous en pensez? Aimez-vous l'art contemporain? Avez-vous des artistes à me faire découvrir?

12.9.09

Dauphin malade, béluga blessé, loutre harmonieuse et Claude Péloquin

"Je me trouvais en voyage dans l'espace infini
La lune, les étoiles, le soleil et les galaxies
Se sont tous entendus pour dire
Que sa planète était celle de la vie et le joyau des astres
Ils m'ont expliqué que lorsque Nipi est venue au monde
Tous ont fait une danse de joie
En hommage à sa beauté si fragile
Même s'ils sont encore très inquiets...
Est-ce que tout peut redevenir comme avant ?
Eau Vive aura-t-elle sa place propre ?
Partout sur la boule bleue ?
C'est le souhait grandiose de tout l'Univers
Et le mien plus que jamais auparavant"

- Extrait de Nipi, le beau pooooème du grand Powète.




Quand un grand homme veut être fidèle à lui-même et surtout à l'image que les autres ont de lui, il accomplit de grandes choses - et cette grandeur de la grandeur humaime qu'il incarne le grandit encore de la dimension grandiose de l'espace/temps perçu comme complexe relatif mais nécessairement gonflé par sa propre grandeur, car ce qui est relatif est par définition relatif aux grands hommes : Guy Laliberté ne fait pas autre chose dans l'Espace, et Claude Péloquin, dans le Temps. (Comme les dieux souverains indo-européens qu'étudiait Dumézil, les deux frères ennemis se sont complémentairement divisés la souveraineté sacrée, le premier selon l'axe "varunien" de la distance cosmique, le second par rapport à l'axe "mitrien" de la proximité humaine.)

Être un grand homme est un travail à temps plein, mais qui demeure malgré tout sujet aux aléas de déesse Fortuna ; on s'enrichit allégrement, l'instant d'après, on grève la dalle. Guy Laliberté est riche comme Crésus ; Claude Péloquin voudrait bien ne pas subir la malédiction financière des poètes. Soit. Mais quand on est un grand homme, on ne s'exprime pas en ces termes vulgaires. On se justifie à l'aune de nos actions cosmiques ou de la postérité éternelle.

Le problème, ici, que tous mes lecteurs-trices auront perçu, consiste en ceci que le message céleste de Guy Laliberté est délétèrement niais, et que l'universel quoique particulier poème de Claude Péloquin est tout simplement mauvais.


(Que les thuriféraires et les admirateurs de nos deux grands hommes soient en désaccord avec moi me laisse profondément indifférent.)


N'ont de poétiques le voyage intersidéral de Laliberté et le Nipi finalement rejeté de Péloquin, que leurs prétentions infectes à l'être malgré la réalité, qui elle, n'est pas sensible aux apparences trompeuses des discours de propagande.


Quand Laliberté ("dauphin malade") dit : «Je peux juste dire qu'au début j'avais une vision embryonaire du projet, a-t-il expliqué pendant sa conférence de presse, mais ça a pris des proportions internationales et j'ai pris une décision artistique, de ne pas aller de l'avant avec Claude Péloquin et de plutôt faire appel à Yann Martel», il sous-entend que son geste intergalactique est tellement "hot" que le pauvre Péloquin n'en est plus à la hauteur vertigineuse.

Quand Péloquin ("le béluga blessé" qui se prend pour une "loutre harmonieuse") dit : «Je perds un ami et une lecture mondiale de mon poème, mais le poème est à moi et il va passer à l'histoire quand même», il sous-entend que son oeuvre artistique est tellement "hot" que de toute façon, peu importe ce qu'il écrit, ça passera nécessairement à la postérité comme patrimoine poétique de l'humanité.


Ah. La confiance des grands hommes en leur bonne... étoile.


BASTA! QU'ILS AILLENT SE FAIRE FOUTRE L'UN ET L'AUTRE!




(doigt d'honneur poétiquement poétique)

6.9.09

Pandémie ludique : statistiques et bilan provisoire


Nous avons été, en quelques jours seulement, plus d'une trentaine de participants à la pandémie ludique initiée par l'Achigan à partir d'un de mes billets. La liste (exhaustive?) des bastinfectés se trouve à votre droite, dans un encadré qui vous donne accès directement au billet concerné. S'il manque des blogues à celle-ci, veuillez m'en faire part.

En général, tout le monde s'est efforcé de mettre entre parenthèses ses préférences sexuelles pour jouer le jeu. En général. Car les ti-gars ont beaucoup de mal à faire l'exercice (saluons ceux qui l'ont réussi, c'est tout à leur honneur). Je laisse aux psychologues (et aux autres -logues patentés) le soin de dire des choses ronflantes et vraies et inutiles sur cette simple constatation. Ma théorie? Ils sont trop axés d'emblée sur leur propre masculinité en construction, en équilibre ou en déséquilibre, pour se questionner sur les charmes de leurs amis à zizi. Mais surtout, quand la société depuis des millénaires vous valorise dans vos fantasmes et dans votre hétérosexualité, dans votre machisme ou dans votre romantisme envers la gent féminine, c'est presque un réflexe normal, dans ce cas, de n'être jamais confronté à autre chose qu'à des "totons" (et autres objets de désir quotidiens). Surtout que les voies de l'inconscient sont impénétrables...

Inventer des théories, ça n'a jamais été mon fort, dans mes études en philo... (je laissais ça aux geeks, aux fous et aux nietzschéens exaltés, tous ceux qui, en somme, se faisaient insupportables en coupant sans cesse l'enseignement du professeur pour faire part de leur propre théorie sur le sujet du jour...).


Je n'ai pas encore eu le temps de tout lire. Ça viendra. Mais je constate, encore, avec stupéfaction, que :

1 - Des blogues, en veux-tu en v'là... de toutes les sortes, des plus sordides aux plus gnagnans, des plus intéressants aux plus insignifiants, et des plus populaires aux plus désertiques.

2 - Ça se transmet extrêmement vite, quand on veut, quelque chose, sur Internet.

3 - Le réseautage que permet le fait de bloguer est très intéressant pour partager des idées, mais il est plus populaire de le faire sur un sujet mainstream comme la sexualité, la culture populaire ou la musique, que sur des sujets plus graves ou plus pointus (comme la poésie, la démocratie, les droits de la personne, les religions, le féminisme, etc.)

4 - La réflexion que j'avais lancée dans Fantasme sur le milieu de la création au Québec, enrichie par les passionnantes réponses que vous me fîtes, s'est encore alimentée à cet exercice de "pandémie ludique" : se lancer des défis, se lire les uns les autres, et surtout l'émulation que ça apporte est une intéressante voie à explorer, comme le disait à juste titre l'Achigan.

5 - En tant qu'aristotélicien, je suis satisfait de constater, encore une fois, que les platoniciens ont tort : c'est dans la multitude que les vertus additionnées deviennent exponentielles, et c'est dans l'addition de tous les billets épars que la blogosphère a de l'intérêt en tant que telle ; non pas la vertu d'un seul face à tous les autres, en l'occurrence la popularité d'un seul blogueur ou d'une seule aristocratie de blogueurs, et surtout pas l'attitude nihiliste ou gnostique de ceux qui s'enferment dans leur solipsisme intérieur d'artiste hors du commun pour cracher sur ceux qui ont peut-être, individuellement, moins de talent, mais dont la mise en réseaux dépasse largement le génie d'un seul, isolé. Quand je dis ça, ça peut sembler un peu obscur, mais pensez aux folies des grandeurs de certains blogueurs, et de leur mépris pour ce qui ne rampe pas devant eux, et vous comprendrez ce dont je parle... Je parle de collectivité, d'ouverture à l'Autre, de forces et de faiblesses qui se contre-balancent, et d'efforts encouragés pour que chacun(e), à sa manière, suive sa propre voie là-dedans, whatever the reason pour laquelle ça a commencé à bloguer ces petites bêtes-là.

6 - Scarlett Johansson est la meilleure raison du monde pour être bisensuel... Non seulement elle semble être l'égérie sexuelle de pas mal de monde, mais elle semble être un choix qui transcende toutes les normes, tous les idéaux et tous les choix... Et je suis bien d'accord.


5.9.09

Miscellaneous éperdu (AJOUTS)

Samedi matin, je me réveille avec du Mara Tremblay sur la peau. Plus exactement, Le Teint de Linda, la première chanson aux sonorités country qui, malgré ça, m'a fait tripper. Et très précisément, je la ressens passer comme un frisson de vulnérabilité sur ma nuque, sur mes bras, sur mon ventre, dans mes jambes, souffle glacial de malaise et de questionnements éperdus.




(Pour visionner le clip, il faut aller sur maratremblay.com ou cliquer sur l'imâââge ci-dessus.)





Pas envie de faire quoi que ce soit, je suis enfin en congé, et je me suis pris dix livres et un docu à la Grande Bibliothèque : je vais enfin lire De Amore de Marsile Ficin, tel que recommandé par Maphto, et des contes soufis de Al Rûmi (dont je vous avais parlé en février dernier), et deux grosses briques sur René Char (dont je vous parle tout le temps - voir le bastsujet), et plusieurs livres de Dumézil (dont je ne désespère pas encore de vous parler dans un avenir rapproché, malgré tout), et quelques autres bouquins fascinants.

Je me fais des bols de café au lait, je me fais toaster des muffins anglais, je me fais des reproches et je ne comprends pas tout à fait pourquoi. Je me sens fourbu, claqué, mentalement, et physiquement. Sur ma peau, je lis les vicissitudes de ma vie.





Je ne connais pas personnellement Guy Laliberté. L'eussé-je connu que ça aurait peut-être changé mon opinion sur le sujet, mais ce n'est pas le cas, alors je n'ai aucune sympathie pour son voyage dans l'espace. Je ne suis pas de la génération "Guerre froide", je n'ai aucune mythologie personnelle de cosmonaute, de Gagarine et de la chienne Laïka. Et pour moi, en tant que créateur, en tant qu'esthète, la poésie, dont se gargarise le gourou du Cirque du Soleil, se retrouve bien plutôt dans La face cachée de la Lune, de Robert Lepage, et aucunement dans ce non-événement signé "One drop".

La journaliste Rima Elkouri a signé un très bon papier sur le sujet, qui exprime le malaise de plusieurs, dont je suis, face à cette "mission poétique" de marde. Extrait de son papier intitulé "Mission poétique ou narcissique?" :

"Pendant une bonne heure, le fondateur du Cirque du Soleil, un logo de son entreprise bien en vue au-dessus de sa tête, a ainsi expliqué aux internautes en quoi consisterait son «odyssée» humanitaire à 35 millions. Si M. Laliberté veut aller dans l'espace, n'allez surtout pas croire, mesdames et messieurs, que c'est simplement pour son plaisir personnel ou pour se pavaner. Pas question pour lui de se contenter d'être un vulgaire touriste de l'espace. Non. De là-haut, durant cette expérience qui se veut avant tout «spirituelle», le grand prêtre du Cirque du Soleil a un rêve. Il veut sensibiliser la pauvre population terrestre aux enjeux de l'eau et à l'avenir de notre planète, avec un événement «mondial, international» et même «universel». [...] Durant la conférence de presse, les mots «poème», «poésie», «poétique» ont dû être prononcés plus d'une vingtaine de fois. Paradoxalement, plus on parlait de poésie, plus on avait l'impression de s'en éloigner. La poésie, la vraie, peut-elle vraiment survivre à toute cette enflure narcissique drapée de bons sentiments? N'est-elle pas justement aux antipodes de ce boursouflage mégalomane interplanétaire?"


Et sur le site de Christian Mistral, j'ai réagi à la nouvelle, plus précisément à propos de l'écrivain Claude Péloquin, qui était supposé écrire l'oeuvre que lirait Guy Laliberté dans l'espace. Je suis le 47e commentaire...





Pourquoi ai-je mal, pourquoi mon coeur se serre-t-il d'angoisse et de tristesse, ce matin? Pourquoi le sentiment d'être atrocement SEUL? -- J'essaie de garder mon calme, de prendre à bras le corps ce faisceau d'émotions, cette nébuleuse de sens insensée, flou, tout est flou à loisir, et je me dis, peut-être à tort, que de m'analyser, que de m'ouvrir le coeur et les pensées en public, devant l'écran de mon portable, sur mon blogue, va me faire du bien.






Hier soir la magie, hier soir la beauté, hier soir les amis -- ô glorieux, ô magnifiques, ô mes amis, et pourtant (pour-tant : à ce prix, à ce coût-là; expression analysable et compréhensible, qui introduit l'inanalysable, l'incompréhensible, un marché faustien, une affaire à jamais, toujours-déjà bouclée à mon désavantage, à perte, à perte d'âme), je suis reparti chez moi le coeur infecté d'une gangrène interrogative, et j'ai marché en fuyant les regards qui eussent pu se poser sur mon corps vulnérabilisé, écartelé, martyrisé d'autodénigrement et de fragilité spirituelle. -- Où se trouve donc le centre, l'origine de cette tristesse du corps, de cette fatigue des sens, de cette trahison de l'image mentale que je me fais de moi-même? Il y a une faille dans le cycle karmique de ma vie, et cette faille est ouverture vers la vérité voilée-dévoilée du coeur-corps, ce complexe arrangement moléculaire et spirituel qui me compose comme individu.





Hier les amis et surtout peut-être les représentations les plus émouvantes de tout ce que je chéris, de ce que j'affectionne et vénère : jeunesse pleine de géniale vanité, beauté des lieux, beauté des formes, délice de tous les sens, conversations d'équilibristes ou de librettistes du 18e (l'époque où, comme le dit Blanchot, tout le monde écrivait avec brio, tout le monde faisait profession d'intelligence vive dans les paroles, les oeuvres, les réparties caustiques), jeunesse pleine, grosse d'avenir, et beauté atrocement sexuée, affamée de sexe et de plaisir, affamée de vie et de plénitude de soi-même ; on n'est pas sérieux quand on a vingt-sept ans ; je lis sur les silhouettes -- poses, postures, cambrures, danses et langueurs ultra -- les origines magiques des idéogrammes, des hiéroglyphes, des abstractions signifiantes encore engoncées dans des formes mouvantes, terribles, de quotidienneté et d'immédiateté, de désir et d'étrangeté divine. Mes amis, mes amours : j'ai aimé ces corps, je les ai lus, je les désire encore, comme un fou, comme un flou tendre, comme un tendre fouillis. La dangerosité. La menace du vêtement. Les artifices de l'urbanité mises en abîme dans le contact sans contact, dans les caresses bloquées par le textile, et je me surprends à penser que la surface est d'autant plus vaste qu'elle est nue ; nus, nous serions infinis les uns avec les autres ; infinis, d'où : le secret du sexe, du corps, dévoilé, perdrait sa dangerosité de bête tapie dans le tissu foisonnant, luxurieux, et par là même, les inhibitions dont mon corps cache en son sein les poisons autodestructeurs, seraient neutralisés dans l'ex-hibition.





Avant-hier, c'était la continuation de la mise en place d'une relation amicale saine avec mon ex ; mon tit-ex comme dit l'Achigan, par opposition avec mon grand-ex, ce dernier ayant partagé un peu plus qu'une demi-douzaine d'années de ma vie, l'autre, le dernier en date, le tit-ex, que quelques mois intenses. Mais dans nos paroles vraies, vrillantes et déridantes de spontanéité et de candeur, une fissure, encore une faille, et violente : le non-désir qui fut jadis désir, désir du désir et puissance actualisée du désir, libido centrée sur son obscur objet de désir qu'est le sexe jumeau, miroir du désir du même (homoïoï, en grec), échec du désir et échec de la communication des corps, destruction nécessaire à la mise en place d'une relation amicale saine, et pourtant, pour-tant, ce pouvant signifier le mensonge du désir encore vivant qui doit se terrer encore plus profondément pour survivre, pour ne jamais mourir tout à fait, et pour peu je m'eusse bouché les oreilles pour ne plus entendre battre dans sa voix la libido étincelante de jeunesse déjà tournée vers tant d'autres corps que le mien ; faiblesse de celui qui naguère posséda, et qui doit accepter de n'avoir plus que les mains vides parce que le coeur, lui, l'est déjà. Écouter sans écouter les aventures post-rupture, lire sans lire les fantasmes qui m'éloignent de moi, de ce que je vois dans le miroir tous les criss de matin, sur ma peau, ma vie se lit...





Rencontres qui me désertifient, qui me dévastent : amis qui me veulent du bien, et pour-tant, qui me ramènent sans le vouloir, sans le prévoir, à la dévastation normale, aux sinistres et aux catastrophes réguliers de mon être-là (heideggerrien Dasein; à moins que ce ne soit mon être-au-monde, mon Inderweltsein?) -- besoin de fuir mes amis, besoin irrépressible de les trahir, de les tenir à distance pour préserver mon esprit des naufrages les pires, quand par exemple des amis font la noce ou se marient, s'expriment envers et contre mes préjugés érigés en valeurs, ou cherchent en moi une oreille attentive... qui se révèle sourde, assourdie, assourdissante du silence du "je t'aime, je te désire". Ambiguïté de l'amitié qui m'exalte et me tue, qui me dirige vers moi-même tout en m'éloignant indéfiniment du moi qui n'est pas "le même". Je les trahis d'autant plus facilement que je peux, sans peine de mentir, prétexter ma fatigue, ma vie pleine de travail éreintant, de faiblesse mentale ou physique (comme il est jouissif d'annuler un rendez-vous en prétextant la maladie quand elle n'est pas la cause! comme il est vrai que je souffre les affres des symptômes quand je n'en ai aucun! comme il est doux de mentir pour une aussi bonne cause que celle de ma ruine intérieure!)






Éperdu d'amour je suis et pourtant, c'est de peaux que j'ai le plus besoin. Mon sexe inemployé quelques temps, et c'est mon moral qui se raccornit. Les caresses intimes me manquent, me causent des manques de drogué. Et qu'est-ce que la parole cultivée, intellectuelle, qu'est la mienne, sinon une monnaie d'échange (devise comme une autre, peut-être moins valable ou plus rare ou plus glorieusement civilisée qu'une autre) contre la bestialité du sexe? un pour-tant, vraiment, un coût à l'échange, un prix à payer pour être désiré-désirant ; il y a cinq grands axes qui mènent à l'échange d'orgasmes à deux ou à plusieurs, dans l'ordre croissant de puissance érotisante : la gentillesse/humour (degré zéro de l'attirance), ensuite la parole intellectuellement puissante, ensuite l'argent et ses preuves matérielles, ensuite le Pouvoir, et finalement, plus haut échelon (qui souvent annule ou apporte les précédents à son possesseur), et paroxysme de l'arbitraire du désir : la perfection génétique du charisme sexuel. Graal du cul.





Je m'observe dans ma nudité et je me tâte, je me palpe, je me jauge et me juge. Ce que j'ai à offrir est pauvre trésor. Mes armes sont ébréchées, mais qu'y puis-je? Je dois d'abord panser mes failles, mes fissures, mes plaies symboliques -- les pires de toutes. Et ma frustration grandit comme un léviathan fou dans les abysses glaciales de mon coeur. Les souvenirs s'allient aux fantasmes pour composer les mirages, les spectres du désir, labourant mon corps de sillons stériles, de terre en jachère éternelle, mortelle.





J'ai mal au coeur et j'ai la nausée. Il faut que j'arrête d'écrire pour l'instant. Mais je n'ai pas exprimé le millième de ce que je désirais écrire (tout à fait comme je n'ai pas encore vécu le millième de ce que je désire baiser, aimer, expérimenter sexuellement, sensuellement, affectivement).

Grand bien me fasse.





Ça fait cinquante ans aujourd'hui que Duplessis est mort.

Grand bien nous fasse.