10.12.10

Ailleurs... pour le mieux

Vous pouvez désormais suivre mes bastaventures dans les Maritimes ici : A HUE ET A.caDIA

Merci! :)

16.2.10

Wittgenstein, les secrets d'alcôve, et moi




Je vous présente la phrase qui, de toutes les phrases de tous les livres de philosophie que j'ai jamais feuilletés d'un geste las, nu dans les bras de mes amants et de mes maîtresses torsadées, est de loin celle qui m'a le plus longuement habité.

Dans ma vie, hélas, les phrases ont la réalité des organes du corps. Et si la santé est le silence des organes (Blaise Pascal™), alors je suis un grand malade.

Elle est de Ludwig Wittgenstein. Elle parle de ce que la philosophie peut et ne peut pas exprimer. Elle parle de sa propre disparition en tant que phrase. Elle parle de ce que nous devons taire...

Elle parle pour moi, et résonne dans le vide de mes propres phrases :


« Wovon man nicht sprechen kann, darüber muß man schweigen.»



«Sur ce dont on ne saurait rien dire, il faut garder le silence.»

(7e proposition du Tractatus Logico-philosophicus)







PS - À partout, qui aime les jeux vidéo : le jouet Wittgenstein aux superpouvoirs amusants.



PPS - Extrait d'un texte des zinternets, donc douteux :

« Bertrand Russell, who knew Wittgenstein was gay, once hired him as a secretary. Amused by seeing him pace for hours up and down his room in agitated silence, like a wild beast, he asked him, "Are you thinking about logic or your sins?”

“Both,” he replied to Russell, then continued his pacing.»


So do I. So do I.

13.2.10

Exercice poétique









partout]


Gésir un long moment
Quelques ères
Molt lustres
Aux dernières lueurs
Diffuses


Gésir | avec toi | roi
Dans l'encorbellement
des mots


Fusent les dits
Des artères, de fureur
Inexorable
Tu es geyser
Tu es jaillissement
Et moi la
Terre




7.2.10

Du côté de chez Bast

"Amis, lorsque vous êtes réunis,
Il faut que vous pensiez tendrement à moi;
Quand vous boirez ensemble le vin généreux,
Et que ce sera mon tour, videz votre verre jusqu'au fond."

- Omar Khâyyâm, Quatrain LXXXIII



Long time no see, folks!

Ma vie est à un tournant, la tête me tourne, je suis ivre d'amour et en train de guérir d'une grosse grippe d'homme.

Que sont mes amis devenus? Je les ai hélas encore davantage délaissés que d'habitude... Entre le travail et l'amour, entre mes petits bobos et mes grandes folies, j'embrasse tout et personne en même temps. Ermite, je cultive le jardin candide de mes fantasmes avec Toi, mon Homme. Nous nous découvrons sur toutes surfaces de ce monde, sur toute l'étendue de nos conversations infinies. J'en perds la notion du temps. Je t'aime.




Mon Homme dit que je suis son Homme, et il rit quand je lui fais découvrir les dédales de mon univers mental ou municipal. Nous avons bouquiné, hier, et nous voyageons sans cesse dans nos mots et dans nos regards. Tu es beau quand tu me parles de tes pérégrinations aux quatre coins du monde.

(Mon Homme porte le titre glorieux d'Homme, il est l'Homme grec, au doux visage barbu aux yeux nacrés aux lèvres classiques, qui, perdu dans son exil de Bactriane, façonne lentement le corps sacré du Bouddha au galbe d'Apollon Musagète, indifférent aux exactions de Tamerlan et ému de la naissance d'une rose.)

Passionnés de l'Asie centrale, où tu es allé l'été dernier, je te parle de la religion perse achéménide, ou de la poésie iranienne, et tu me racontes les montagnes du Pamir, les rues de Samarcande, la beauté des yeux des Pashtounes. Entre deux projets de voyage ensemble, Moncton et les Balkans, Whapmagoostui/Kuujjuarapik et Ispahan, nous commençons lentement à apprendre le persan.

Je suis fou de toi. Ton corps m'est infiniment désirable, et je tremble de passion quand tu me parles, quand tu joues du saxophone, quand tu ris, quand tu jouis fort. Nos odeurs s'entremêlent, forment d'invisibles arabesques qui stimulent nos sens, et je découvre des délices dans tes bras aux noms de perversions raffinées. Comment ne pas être heureux avec toi, quand nous nous endormons, embrassés, devant un vieux film russe de Тарковский, ou bercés par la musique du grand Miles?







Je t'aime. Je t'aime d'amour anhistorique, je t'aime de tout mon corps mystique, je t'aime d'amour parce qu'en toi je suis ton Homme, et que tu es mon Homme à la masculinité triomphante, glorieuse, absolue, virilissime. En moi tu vis de vie palpitante, terrible, inquiétante, luxuriante, magnifique. Inonde-moi de toute la semence de ton amour. Que m'importe la chapelle des franciscains si tu jouis et si je jouis et si tout le reste ne devient que l'ustensile de notre amour?



"Puisque notre séjour en ce couvent n'est pas durable,
Sans l'Échanson et sans l'Amour, quelle amertume que la vie!
Ô philosophe, combien durent les croyances anciennes et nouvelles?
Puisque je dois partir, que m'importe si le monde est ancien ou nouveau?"

- Omar Khâyyâm, Quatrain CXII


24.1.10

Tu dors


Hier, c'était moi. Rien ne me tirait de mon sommeil, pas même tes activités normales, dans le petit appartement aux allures de péniche, amarrée pour un temps sur le flot vivant mais calme de Montréal. Nous avions écouté avec émotion un de tes amis interpréter avec une grande maestria certaines pièces de Britten, de Brahms surtout.




Maintenant c'est toi qui dors comme un loir dans mon grand lit sédentaire, les yeux tout pleine encore des images du film Gouttes d'eau sur pierres brûlantes.



Je te regarde. Je suis encore couvert de ta salive, de tes odeurs aux incroyables épices, sueur et sperme, et je pense. Je pense à toute la folie que nous sommes en train de susciter, à toutes les beautés que nous pratiquons, comme d'insatiables sacrifices païens.

L'autre jour, il était inconcevable que nous jouissâmes autant à se parler, incoercible rumeur dans le musée, devant les oeuvres de Waterhouse.



Tu dors et je ne veux plus qu'aller te rejoindre, me glisser contre toi avec une délectable excitation de tous les sens. Tu me fais trop penser à une pornstar, avec tes cheveux rasés et ta barbe et ton torse, et yeux nacrés, et ton cul infernal. Tu n'es pas pareil. Tu es plus beau, plus désirable, plus vrai.



Tu es le miracle d'une rencontre qui tourne bien, qui bouleverse et qui me donne envie de tout goûter, de tout découvrir, de tout palper, de tout te montrer, de tout tenter.




Fuck. Je dors debout.

Je suis là. Tu es vraiment là.

Je suis vraiment... bien.

1.1.10

Triptique du Nouvel an : 1910 (bis) - Egon Schiele



***


Il est un peintre que j'admire particulièrement. Une force picturale puissante, à ranger du côté des «anatomistes morbides» comme Giacometti, Francis Bacon et Lucian Freud, c'est-à-dire les peintres du corps torturé, squelettique et défiguré par des couleurs de pourriture, de maladie, de morbidité. À ceci près que c'est la sexualité la plus charnelle qui y éclate dans les postures impossibles et les coups de crayon furieux. C'est Egon Schiele.




Disciple et élève de Klimt, portraitiste de génie, et sulfureux à l'envi (expulsé, pourchassé, vilipendé pour de supposés contacts sexuels avec des mineures -- et nous sommes en pleine époque de morale sexuelle rigoriste...), Schiele est brillamment dépeint dans cet article du The Nation (à propos d'une exposition récente). L'auteur, Arthur C. Danto, note que :

«All of a sudden, and until the end of his pathetically brief career, everything is mobilized to express the sexuality of the human body. [...] If I can put it somewhat paradoxically, he has found a style that sexualizes eroticism. In Schiele's work the human body expresses its sexuality as artistic truth. [...] They are like illustrations of a thesis of Sigmund Freud, Schiele's fellow Viennese, that human reality is essentially sexual. What I mean to say is that there is no art-historical explanation of Schiele's vision.»


Et il conclut avec à-propos : «Yet there is no body of work anywhere that shows the sexuality of human flesh as truthfully as Schiele's, with the vulnerability and burden of our appetites and imaginations drawn so clearly and with such passion. Freud writes in Civilization and Its Discontents that "the genitals themselves, the sight of which is always exciting, are hardly ever regarded as beautiful." It is the excitement of the erogenous zones in otherwise beautiful people that makes Schiele's work so true.»




En 1910, il a effectué une série d'autoportraits, certains nus, qui me rendent hystérique d'admiration. C'était il y a cent ans. (Note de Danto à propos de ces autoportraits : « The accuracy of the drawing is confirmed by several photographs, in which Schiele contemplates himself in the mirror, clearly proud of his looks, his elegant figure, his leonine head of hair. Unquestionably, this is a vain young man.» Un jeune homme vaniteux... Un jeune homme du XXIe siècle... Un jeune homme de toujours.)






Egon Schiele est mort à 28 ans de la grippe espagnole. J'ai 28 ans, et cette année j'aurai 29. Une descendante mutante de la grippe espagnole, la A(H1N1) a fait les manchettes de 2009. Je ne suis pas mort. Paix aux Mânes de Egon Schiele, mon double et mon frère.


Triptique du Nouvel an : 1910



**


En 1910, le monde ressemblait à ça :


La Belle Époque tirait tristement à sa fin. Les Grands Empires coloniaux aussi, mais rien ne semblait le laisser prévoir. Les Arts entraient résolument dans une nouvelle ère, marquée par l'abstraction et l'abandon des structures traditionnelles (tant au niveau des institutions que des techniques).

Depuis quelques mois, en 1910, la musique classique occidentale était alors bouleversée, dans ses fondements mêmes, par le travail de Arnold Schönberg, compositeur de musique atonale, interprété ici au piano par le grandissime Glenn Gould :




À noter qu'en 1910, c'est la naissance du quotidien Le Devoir, fondé par le tribun nationaliste Henri Bourassa, petit-fils de Louis-Joseph Papineau (Yo, Papine, c'est dans ta famille, ça!). D'ailleurs, je trouve perso qu'on n'utilise pas assez l'expression exclamative : «Par la barbe d'Henri Bourassa!» J'ai longtemps lu Le Devoir avec une régularité quasi intestinale, pour être sûr d'être le mieux informé du monde, et aussi pour faire partie de l'élite des quelque 3% de part de marché du vieux quotidien de Bourassa. Maintenant, je dois dire que je lui préfère La Presse (et surtout cyberpresse) pour plein de raisons, mais je reste attaché de façon émotive et nostalgique à la barbante création de ce cher Henri Bourassa, que je ne feuillette désormais que pour y lire Jean Dion, Antoine Robitaille et quelques autres.


(Si vous agrandissez cette image, vous pouvez lire le petit message coquin que l'orateur vous a laissé, bandes de chanceux!!!)




Bourassa, d'ailleurs, était un nationaliste canadien qui s'opposait à l'impérialisme britannique. C'est le jour de ma fête, le 11 octobre, qu'il confronta le Premier ministre de l'époque, Sir Wilfrid Laurier, sur la question de la construction par le Canada d'une flotille de guerre, uniquement consacrée à la participation du Royaume-Uni à une éventuelle guerre contre l'Empire allemand.
Comme quoi, d'un siècle à l'autre, les (mauvaises) raisons pour le Canada de faire son effort militaire à l'étranger ne changent que de terrain de jeux et de Maître impérialiste à satisfaire (là le Roi de Londres, ici le Président de Washington). Bourassa avait alors raison de s'inquiéter; nous avons tout autant raison de nous révolter de la participation de notre entité fédérale à des invasions belliqueuses...




C'est aussi en 1910 que le bon vieux Tolstoï passa la plume à gauche. Militant pacifiste à tendances anarchistes, il fut un maître à penser du jeune Gandhi (le futur Mahatma) avec qui il entretint une correspondance. C'est une figure majeure de la littérature russe de tous les temps. J'aime Tolstoï. J'aime les vieux anarchistes aristocrates (Léon Tolstoï était un comte, issu d'une famille de vieille noblesse), comme mon cher Bertrand Russell (l'immense philosophe anglais dont le prof Baillargeon a fait la bio, ici en hyperlien). Modèles, idoles, mentors : de feue ma grand-maman à Léon Tolstoï, en passant par Russell, Borges et Normand Baillargeon, je reste un «fils déchu de race surhumaine / race de géants, de forts, de hasardeux...» etc., un moindre rejeton de grandes figures axiales.


Tolstoï et sa femme (la photo fut prise l'année même de son décès)

Triptique du Nouvel an : 1010

Bonne et heureuse année. Pour marquer le coup, voici trois billets que m'inspire la nouvelle décennie (Pomme va me tuer!!! héhéhé).


*




En l'an de grâce 1010 après Jesus-Christ-Superstar, les Vikings tentèrent une installation permanente en Amérique. C'était il y a tout juste mille ans. Thorfinn Karlsefni, un pote à Leif Ericsson, est chef de l'expédition, et l'emplacement supposée : l'Anse aux Meadows, à Terre-Neuve. Un flop, mais une source inépuisable de rêveries érotiques pour moi.




J'aime les Vikings. Malgré tous les lieux communs abrutissants et les amateurs de jeux de rôles vaguement médiévaleux, les Vikings demeurent pour moi les membres d'une société complexe, vaste et touchante. J. L. Borges disait que tout ce qui touchait aux sociétés scandinaves du Moyen âge relevait davantage du rêve et de l'oubli que de la réalité historique. En disant cela, il soulignait le fait que toutes les découvertes des Vikings restèrent sans suite : que ce soit l'Amérique (retombée dans l'oubli pour quatre siècle) ou les romans (ces sagas et autres compositions fascinantes), l'attaque sur Byzance (les Vikings découvrirent les coups de soleil en même temps que des richesses sans nombre) ou la fondation de royaumes qui, presque immédiatement, perdirent leur culture en s'établissant en France ou en Italie.

Cette année, en 2010, on annonce l'arrivée d'un film qui semble prometteur : Valhalla Rising.



(Infos sur les films de Vikings sur le blogue : Le Septième Antiquaire)



En plus, un Viking, c'est comme un fantasme homoérotique de guerrier roux aux talents de poète et de matelot. Pure Gay Porn.