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1.1.10

Triptique du Nouvel an : 1910 (bis) - Egon Schiele



***


Il est un peintre que j'admire particulièrement. Une force picturale puissante, à ranger du côté des «anatomistes morbides» comme Giacometti, Francis Bacon et Lucian Freud, c'est-à-dire les peintres du corps torturé, squelettique et défiguré par des couleurs de pourriture, de maladie, de morbidité. À ceci près que c'est la sexualité la plus charnelle qui y éclate dans les postures impossibles et les coups de crayon furieux. C'est Egon Schiele.




Disciple et élève de Klimt, portraitiste de génie, et sulfureux à l'envi (expulsé, pourchassé, vilipendé pour de supposés contacts sexuels avec des mineures -- et nous sommes en pleine époque de morale sexuelle rigoriste...), Schiele est brillamment dépeint dans cet article du The Nation (à propos d'une exposition récente). L'auteur, Arthur C. Danto, note que :

«All of a sudden, and until the end of his pathetically brief career, everything is mobilized to express the sexuality of the human body. [...] If I can put it somewhat paradoxically, he has found a style that sexualizes eroticism. In Schiele's work the human body expresses its sexuality as artistic truth. [...] They are like illustrations of a thesis of Sigmund Freud, Schiele's fellow Viennese, that human reality is essentially sexual. What I mean to say is that there is no art-historical explanation of Schiele's vision.»


Et il conclut avec à-propos : «Yet there is no body of work anywhere that shows the sexuality of human flesh as truthfully as Schiele's, with the vulnerability and burden of our appetites and imaginations drawn so clearly and with such passion. Freud writes in Civilization and Its Discontents that "the genitals themselves, the sight of which is always exciting, are hardly ever regarded as beautiful." It is the excitement of the erogenous zones in otherwise beautiful people that makes Schiele's work so true.»




En 1910, il a effectué une série d'autoportraits, certains nus, qui me rendent hystérique d'admiration. C'était il y a cent ans. (Note de Danto à propos de ces autoportraits : « The accuracy of the drawing is confirmed by several photographs, in which Schiele contemplates himself in the mirror, clearly proud of his looks, his elegant figure, his leonine head of hair. Unquestionably, this is a vain young man.» Un jeune homme vaniteux... Un jeune homme du XXIe siècle... Un jeune homme de toujours.)






Egon Schiele est mort à 28 ans de la grippe espagnole. J'ai 28 ans, et cette année j'aurai 29. Une descendante mutante de la grippe espagnole, la A(H1N1) a fait les manchettes de 2009. Je ne suis pas mort. Paix aux Mânes de Egon Schiele, mon double et mon frère.


Triptique du Nouvel an : 1910



**


En 1910, le monde ressemblait à ça :


La Belle Époque tirait tristement à sa fin. Les Grands Empires coloniaux aussi, mais rien ne semblait le laisser prévoir. Les Arts entraient résolument dans une nouvelle ère, marquée par l'abstraction et l'abandon des structures traditionnelles (tant au niveau des institutions que des techniques).

Depuis quelques mois, en 1910, la musique classique occidentale était alors bouleversée, dans ses fondements mêmes, par le travail de Arnold Schönberg, compositeur de musique atonale, interprété ici au piano par le grandissime Glenn Gould :




À noter qu'en 1910, c'est la naissance du quotidien Le Devoir, fondé par le tribun nationaliste Henri Bourassa, petit-fils de Louis-Joseph Papineau (Yo, Papine, c'est dans ta famille, ça!). D'ailleurs, je trouve perso qu'on n'utilise pas assez l'expression exclamative : «Par la barbe d'Henri Bourassa!» J'ai longtemps lu Le Devoir avec une régularité quasi intestinale, pour être sûr d'être le mieux informé du monde, et aussi pour faire partie de l'élite des quelque 3% de part de marché du vieux quotidien de Bourassa. Maintenant, je dois dire que je lui préfère La Presse (et surtout cyberpresse) pour plein de raisons, mais je reste attaché de façon émotive et nostalgique à la barbante création de ce cher Henri Bourassa, que je ne feuillette désormais que pour y lire Jean Dion, Antoine Robitaille et quelques autres.


(Si vous agrandissez cette image, vous pouvez lire le petit message coquin que l'orateur vous a laissé, bandes de chanceux!!!)




Bourassa, d'ailleurs, était un nationaliste canadien qui s'opposait à l'impérialisme britannique. C'est le jour de ma fête, le 11 octobre, qu'il confronta le Premier ministre de l'époque, Sir Wilfrid Laurier, sur la question de la construction par le Canada d'une flotille de guerre, uniquement consacrée à la participation du Royaume-Uni à une éventuelle guerre contre l'Empire allemand.
Comme quoi, d'un siècle à l'autre, les (mauvaises) raisons pour le Canada de faire son effort militaire à l'étranger ne changent que de terrain de jeux et de Maître impérialiste à satisfaire (là le Roi de Londres, ici le Président de Washington). Bourassa avait alors raison de s'inquiéter; nous avons tout autant raison de nous révolter de la participation de notre entité fédérale à des invasions belliqueuses...




C'est aussi en 1910 que le bon vieux Tolstoï passa la plume à gauche. Militant pacifiste à tendances anarchistes, il fut un maître à penser du jeune Gandhi (le futur Mahatma) avec qui il entretint une correspondance. C'est une figure majeure de la littérature russe de tous les temps. J'aime Tolstoï. J'aime les vieux anarchistes aristocrates (Léon Tolstoï était un comte, issu d'une famille de vieille noblesse), comme mon cher Bertrand Russell (l'immense philosophe anglais dont le prof Baillargeon a fait la bio, ici en hyperlien). Modèles, idoles, mentors : de feue ma grand-maman à Léon Tolstoï, en passant par Russell, Borges et Normand Baillargeon, je reste un «fils déchu de race surhumaine / race de géants, de forts, de hasardeux...» etc., un moindre rejeton de grandes figures axiales.


Tolstoï et sa femme (la photo fut prise l'année même de son décès)

2.11.09

Le Crépuscule des Fées



(il miglior fabbro)


A FAERY SONG

Sung by the people of Faery over Diarmuid and Grania,
in their bridal sleep under a Cromlech



We who are old, old and gay,
O so old!
Thousands of years, thousands of years,
If all were told:

Give to these children, new from the world,
Silence and love;
And the long dew-dropping hours of the night,
and the stars above:

Give to these children, new from the world,
Rest far from men.
Is anything better, anything better?
Tell us it then:

Us who are old, old and gay,
O so old!
Thousands of years, thousands of years,
If all were told.


- William Butler Yeats (The Rose, 1893)




Nous chantâmes au couchant, au couchant nous entonnâmes nos chants, nos chants de gloire, nos chants de gloire, et nos lais anciens d'amours amers, d'amours et de remembrance des jours anciens, des joyeuses assemblées sous les étoiles.
Les belles gens s'accoquinaient, les belles gens s'encanaillaient, et les belles gens, les belles gens, au crépuscule prenaient les feux follets pour briquets.
Les rituels s'exaspérèrent avec une païenne exubérance parmi les convives maculés d'alcool et de baisers. Nous riâmes!

Sous un dolmen un jour lointain et inconnu nous nous endormirons pour quelques temps, quelques ères, quelques éternités à peine. On nous entendra soupirer d'amour et de sensualité jusqu'à Byzance, peut-être. Quelque éphèbe viendra nuitamment cueillir sur les tombes jumelles de précieuses larmes de fée, luisantes reliques lunaires de tes exaltations passées. (Il sera beau, son coeur sera doux comme l'herbe grise sous les étoiles, sa peau nue brillera par nos ensorcellements d'outre-tombe comme au temps d'avant notre endormissement sacré.)


Et par les sources qui ne coulent que par toi, qui ne remontent vers le ciel que par toi, que par ta magie, et par les verres d'eau de vie qui ne reflètent l'avenir et la folie et la féerie, que par nos bouffonneries, je te bénis, mon ami, je te bénis.



22.10.09

À chaque fois comme en 1908

Ne dis rien, mon coeur, et réfugie-toi dans le passé, comme tu le fais si bien. Fuir! Et dormir! J'ai des flocons de culpabilité plein les yeux, maintenant. Tais-toi! Et dors! Coeur, tu m'écoeures.






Silence. C'est tout.

16.10.09

Porte-voix




Quand je suis fatigué à tel point que je ne sais plus mon nom

Quand mes mains glissent sans saisir, plissent sans plaisir

Quand les matins sont tellement cool qu'ils sortent dans le Mile End plutôt que de m'encenser et m'ensemencer telle une glèbe joyeuse

Quand le pays de pays, quand le nom de nom et le nom de pays semblent au bord de l'émeute, ça ira, ça ira

je prends une pause, j'éteins le je, je tais le nombre, je chiffre mes idées, je pose sur ma tête ma casquette amarante et je laisse le plaisir à Char de dire, je m'efface et me dissous dans les mots de Char.

C'est mon dada. Ma misère et mon enchantement. Le fin du fin de la fin des mots et des maux.


Et ça s'adresse à l'Achigan, directement, évidemment. Et (comme dirait Yourcenar) à quelques autres...


L'AVENIR NON PRÉDIT

Je te regarde vivre dans une fête que ma
crainte de venir à fin laisse obscure.

Nos mains se ferment sur une
étoile flagellaire. La flûte est à retailler.

À peine si la pointe
d'un brutal soleil touche un jour débutant.

Ne sachant plus si tant
de sève victorieuse devait chanter ou se taire, j'ai desserré le poing du Temps
et saisi sa moisson.

Est apparu un multiple et stérile
arc-en-ciel.

Ève solaire, possible de chair et de poussière, je ne
crois pas au dévoilement des autres, mais au tien seul.

Qui gronde,
me suive jusqu'à notre portail.

Je sens naître mon souffle nouveau
et finir ma douleur.



Trois toiles de Jan Toorop (un immense symboliste et un de mes artistes préférés de la Belle Époque)

27.9.09

Xavier Dolan



Pourquoi est-ce que j'aime autant Xavier Dolan?





Dimanche, il pleut, je regarde des niaiseries sur Youtube et je me surprends à avoir chaud, à rougir en visionnant des entrevues de Xavier Dolan. Il me fait rire, il accroche mon regard, me plaît. Me fait réfléchir.

Que jamais je n'aurais imaginé un jour fantasmer sur le petit gars des annonces de Jean-Coutu; j'avais 17 ans quand il y jouait le p'tit criss blond.





Que mes amis, ô mes amis, amies "e" surtout, qui ont tellement, tellement voulu percer dans le domaine du théâtre, dans l'industrie cinématographique, n'ont peut-être pas moins de talent que lui, mais n'ont jamais osé être, c'est-à-dire travailler et se croire, travailler sans relâche, ce qui est une autre façon d'être. Tout comme moi : moi je n'ai jamais osé être, jusqu'au bout, ce que je voulais être. Je rêvassais alors que d'autres bossaient sur leurs projets. J'espérais... j'espérais être pris sous une aile protectrice d'emblée, échanger mon corps glabre et svelte d'adolescent contre les conseils et les conditions de travail et les caresses et les discussions d'un mentor. J'en ai rêvé, j'en ai connu... et je n'en ai rien retiré, sauf des bleus sur les fesses et sur l'âme. D'abord, j'aurais dû attendre d'être majeur... Et peut-être aussi n'avais-je pas le bon goût de me trouver un mentor vraiment très vieux et très influent, très doux aussi. Au lieu de ça, je me contentais de professeurs. Bad choice.

J'ai toujours écrit. Mais je ne comprenais pas vraiment le but, le sens de l'écriture. Je n'avais pas cette intuition géniale qui firent Lautréamont violer toutes règles, Rimbaud embrasser toute la langue et toute l'histoire de la littérature française. L'intuition juvénile... dictant des oeuvres à vu de nez. Au pif. Suivant ses (bas) instincts. Et pourtant, je recevais des marques d'admiration, d'encouragement, et, ce qui est tout aussi dommageable que les précédents, des réactions de rejet, de haine. Plus jeune, il m'arrivait de perdre complètement le sens de la réalité, à cause de ça.

L'été dernier, je connus, au sens biblique du terme, un jeune padawan terriblement beau, d'une beauté vraiment infernale, et surtout, extrêmement intelligent : école internationale, études brillantes, du talent fou pour le cinéma, et une volonté canalisée dans le travail (critiques de films, en anglais, et courts-métrages, etc.). Nos échanges étaient épiques, nos baises étaient torrides, nos rencontres, sporadiques. Trop sporadiques. J'étais amoureux de lui. Il n'avait que 18 ans (genre). Il m'avait d'abord menti sur son âge, le petit con. Je le voulais pour moi, que pour moi, je me sentais inspiré par lui comme je ne le fus jamais que par l'Achigan et peut-être aussi par quelques autres, de manière plus limitée, et je le voulais comme padawan, comme un espèce de disciple. Çà! je me prenais, à mon tour, pour un mentor. Un sale mentor de merde; il eut probablement aimé que je lui fasse davantage de bleus sur les fesses, en bon mentor, mais je préférais les lécher et les caresser goulûment, délicatement, amoureusement.

Et c'est moi qui eut encore les bleus sur l'âme. Je me fis très mal dans cette relation. Je finis par en perdre la tête. Bref, passons.



Il me plaisait comme me plait Xavier Dolan, et dans ce que je perçois de Xavier Dolan, et dans ce que j'aime trouver dans Xavier Dolan, et dans ce que j'aimerais être, moi.


Le mot est lâché : moi.


Peu importe sur qui je bande, avec qui je joue à la bête à deux dos (ou à trois ou quatre dos, d'ailleurs). Peu importe que ce soit fille ou garçon ou les deux entremêlé dans le même individu. Le type, l'idealtype que représente Xavier Dolan m'est irrésistible : d'une exquise jeunesse, l'air à la fois intello et fatal à la Johnny Depp, le talent, le talent, la force immense et inexpugnable du talent brut! de la volonté de faire, de créer, de s'imposer... cette force éminemment érotique, érotisante de celui qui réussit à canaliser, à sublimer quelque chose dans l'oeuvre et dans la présentation attirante de l'oeuvre. Pierre Lapointe dégage ce même charisme, et Nelly Arcand l'avait, et mon Padawan l'aura certainement, quand il aura créé une oeuvre de quelque importance.





On peut et on doit croire en ses amis. Bien sûr, la plupart ne réussiront pas. Pourquoi est-ce que Pierre Lapointe pouvait se permettre une telle assurance, une telle arrogance, sans faire fuir les gens, au contraire en attirant encore davantage les gens, charmés par sa dégaine, sa fougue, son professionnalisme? Pourquoi est-ce que chez d'autres, chez d'aucuns n'est-ce qu'insupportable? Pourquoi Xavier Dolan et pas tant de gens que je connais qui peinent à survivre dans le milieu cruel des arts de la scène? Je ne sais pas. Mais ce que je sais, c'est que contrairement à ce que l'on entend, et contrairement à tous les préjugés ou les réserves qu'on peut légitimement ou non avoir (et que j'ai eu dans le cas de Nelly, jusqu'à récemment), Xavier Dolan et Nelly Arcand et Pierre Lapointe méritent amplement le succès qu'il eurent dès leur première oeuvre.





J'aime Xavier Dolan car je vois en lui le type de jeune homme, de si tendre beau jeune homme fier, qu'une culture en train de naitre (ou de renaître) peut produire : pas la culture au sens de ministère de la culture, de subventions et d'industrie de masse ; culture au sens de Paris à la Belle Époque ou au temps du surréalisme, de Londres au temps des dandys ou des punks, de Vienne au temps de l'Empire austro-hongrois, celui de Freud et de Kafka. Le genre de culture qui, après une phase plus ou moins longue de défrichage épique, glorieux, de bric et de broc mais si exaltant (de St-Denys Garneau à Michel Tremblay, en passant par le Refus Gobal, à peu près), après une phase sombre de vide cuturel quasi fatal (les années 80 et début 90, à peu près), ne se rend pas tout à fait compte encore que les amarres sont lancés et que la qualité, la diversité, la beauté, le dynamisme sont en train d'atteindre un niveau inégalé.

Je le sens dans l'air. Je le vois autour de moi. J'en suis avide.



Xavier Dolan, c'est le jeune prodige que toute une société a réussi à laisser s'engendrer malgré les erreurs de parcours, malgré les rednecks anti-intellectuels et anti-artistes, homophobes et racistes, malgré les politiques de droite, malgré les émissions de télé ou de radio minables, malgré Denise Bombardier et Paul Sarrasin et Mario Pelchat, malgré la mode du brun, puis du pastel, et du fluo... Et peut-être aussi grâce à tout ça, grâce à une mystérieuse dialectique dont le mécanisme nous échappe. Xavier Dolan, comme Pierre Lapointe, comme de plus en plus de jeunes créateurs plus jeunes que moi, ou de mon âge, représente l'ouverture d'une culture vers une autre étape de son histoire, vers une rupture et un agrandissement des frontières de l'art.





Tant de jeunes brillants auteurs, compositeurs, artistes visuels furent détruits par notre province... André Mathieu, par exemple. Saint-Denys Garneau se croyait tel. Et Huguette Gaulin. La danse contemporaine agonise sous les coups répétés des politiques sauvages des Conservateurs. Et d'autres furent obligés de fuir, de s'exiler, ou de se faire publier ailleurs. Réjean Ducharme. Borduas...



Je suis amoureux de Xavier Dolan. Même si, le rencontrant quelque jour, nous ne nous aimons pas, nous nous haïssons même, je serai amoureux de lui. Car j'admire ce qu'il est. Il me donne envie d'encourager les gens que je lis, que je connais, que je croise, que je vois à l'oeuvre. Il me donne envie d'y croire, de rencontrer d'autres beautés extraordinairement érotisante de succès comme lui. Il me donne envie de participer à cette vie culturelle qui n'est plus celle des chroniques culturelles du Tj de Rad-Can (vous savez, ces bonnes vieilles chroniques culturelles plates de l'autre grand chauve jovialiste...). Il me fait réfléchir au nouvel horizon, en rupture avec l'ancien sur tant de points importants, qui est le nôtre, désormais.

Ce que je fantasme pour les Lettres, Xavier Dolan et d'autres me le montrent comme étant possible dans leurs propres domaines artistiques. Et même si je reste, pour une raison ou une autre, à l'extérieur du mouvement, si j'échoue dans mes projets, j'aurai une place de choix pour l'observer et l'applaudir. Et ce sera bien.

22.8.09

Fantasme

Je rêve d'un milieu littéraire (pas juste les happy fews qui ne font pas les médias, mais bien un ensemble plutôt organisé, diffusé, qui tient le haut du pavé) à la fois glamour et décadent, brillant et superficiel, hypersexy et pourtant d'une qualité extrêmement solide. Pas juste des "poseurs". Des créateurs. Des vrais. Des gens qui vénèrent la beauté, l'étrangeté, la poésie de Mallarmé et les lychee Martinis. Qui écrivent des trucs qu'on n'a pas encore lus, des choses libres et classy, libertines et burlesques. Profondes, surtout. Pas de la chicklitt ou de la poppsycho à deux balles.


À la place des Nadine Bismuth et autres auteurs à crever d'ennui ; à la place des interviews calamiteux à la Lorraine Pintal ; à la place des poètes trop sérieux qui se lisent entre eux des choses ronflantes et convenues... je rêve de voir une majorité, une large majorité de jeunes auteurs prendre toute la place, sexy comme Mélodie Nelson ou Alyss, irrévérencieux comme le Bélître de Vivisection pseudopathologique, intello mais branchés comme Maphto, et lyriques comme l'Achigan, madame Blue et Filigrane. Entre autres.


Je rêve à des partys littéraires où l'alcool coule à flot sur du strass, des souliers dorés, des livres aux couvertures trashy, des maquillages baroques, des gommes ballounes qui éclatent... Je rêve de voir un univers littéraire moins inspiré par TVA, ou les shows de chaises des années 90 (genre Bouillon de culture, Sous la couverture...), que par un vidéoclip de Donzelle.



Je veux des androgynes, des gays fofolles, des drags, des stars, des scandales, du fric et des Lady Gaga... D'ailleurs, j'adore le trip, le canular, que s'est tapé une autre Lady, la belle Guy, sur Bukowski... à méditer! Pourquoi la littérature devrait-elle être soporifique, et guindée, et conventionnelle? Tellement... premier degré? Pourquoi ne pas s'inspirer des artistes qui réinventent d'autres domaines esthétiques, qui se frottent de kitsch, qui se plongent dans les nouvelles technologies, qui jouent sur plusieurs fronts, multidisciplinaires, et qui maîtrisent à la fois le marketing et les classiques?


C'est juste un fantasme de samedi plate. Peut-être que les choses sont en train de changer, mais à écouter à la Première chaîne l'émission littéraire Vous m'en lirez tant, à lire les revues littéraires montréalaises (à part quelques petites publications vraiment cool), et à vivre au Québec, entouré de bien pensants conservateurs (ceux qui écoutent TVA -- exemple facile -- ne se rendent pas compte à quel point la représentation du monde qui s'y expose est ultraléchée, ennuyante à mourir, cheap et médiocre), on désespère un peu de voir du kinky, de la subversion coquine, du plaisir décadent envahir soudainement les glauques corridors de départements littéraires de nos universités. En fait, je ne sais pas trop ce que je veux, ce que je rêve de vivre, sur quoi je fantasme. Mais il me semble que ça fait longtemps qu'il n'y a pas eu de grand bouleversement, de grande révolution des genres, d'école ou de réunion d'auteur sous une bannière manifeste, d'avant-garde jeune, dans la sacro-sainte littérature... en particulier au Québec. Alors que des arts comme la musique et le théâtre (Robert Lepage...), les arts visuels, éclatés et avant-gardistes, réussissent tant bien que mal à s'opposer aux inerties locales.


Il y a des époques dans l'histoire de l'humanité où ça a existé : Vienne au 19e siècle, Paris au début 20e, le New-York beatnik, le Londres des dandys... que sais-je encore. Des générations entières, qui pondaient des chefs-d'oeuvres en s'amusant comme des démons. Tout en s'envoyant en l'air, bien fringués, bien friqués, bien baisés.


Puis, il y a eu les années 80 et 90, les cols roulés bruns, et Denise Bombardier (et sa soeur).


Damn it.

3.4.09

Arletty

Arletty : Née en 1898. Morte en 1992. Tout comme Sacha Guitry, elle se fait arrêter à la Libération de Paris. On lui reproche d'avoir eu une relation avec l'ennemi en la personne d'un officier de la Luftwafe. À quoi elle répond : « Mon cœur est français, mon cul est international ! » Et au juge d'instruction qui lui demande des nouvelles sur sa santé : « Pas très résistante ! »



Arletty dans Hôtel du Nord, bien sûr, mais aussi et surtout dans Les Enfants du paradis, dans le rôle de la belle Garance (« c'est le nom d'une fleur... »).




Les petites lueurs de Ménilmontant...




Arletty c'est Coeur de Parisienne (reprise par Rufus) :



Bref, je ne m'en vais nulle part avec ce billet, mais dans mon délire, ce soir, je m'amuse à imaginer ma vie sans Arletty et je ne peux pas. Dans ma vie, en fait, il y a des généalogies étranges, des réseaux incongrus entre des éléments disparates, et dans mon cerveau, une toile d'araignée étend ses filets sur de vieilles chansons, des bouts de film, des personnes que je connais, et des rêves que je range dans mes tiroirs comme des lettres d'amour fanées. Ça brille dans le noir.

26.3.09

L'Omnibus



(Attention, je fais dans l'humour hypertextuel, à matin.)

Je ne suis pas fait pour n'être que d'une époque, surtout pas celle qui semble vouloir être postmoderne et gaga. En revenant d'une soirée particulièrement arrosée et terminée en matinée, je me suis rendu compte que je ne savais pas exactement de quoi avaient l'air les Omnibus, tout en sachant ce que c'était : l'ancêtre des autobus, à traction hippomobile et à impériale. Si vous n'avez pas encore le réflexe d'aller voir en cachette, en secret, sur Wikipedia pour ne pas être obligé de toujours demander aux autres ce que certains mots veulent dire, je vous plains. (Si Wikipedia est votre principale ou unique source d'informations pour être bling bling dans les apéro dînatoires chez Guy Laliberté, je vous méprise).

Je me sens un morale de Bruxellois, je me sens macho comme Brel, et je me sens surtout extrêmement déçu d'apprendre que c'est mon cher Blaise Pascal qui a (outre la calculatrice et trois ou quatre autres choses mucho avant-gardistes) inventé le service de transport en commun, à Paris au 17e. Fuck! Comment chiâler contre Pascal, franchement?!? Je ne suis pas du genre à me plaindre des philosophes qui ont fait autre chose que pelleter des nuages, enculer des maringouins ou appuyer les nazis. Blaise Pascal! Eh quoi, je ne suis PAS capable. Point.

Je suis très ouvertement en faveur de l'amélioration du transport en commun au Québec. Mais c'est un combat perdu d'avance : l'argent ni l'intérêt politique n'y convergent. En attendant de retrouver les bons vieux tramways et les encore plus vieux omnibus dans nos horribles artères urbaines, je fais comme si c'était au 19e siècle que je vivais. Je suis de l'époque de Lautréamont, et, basta! vivement la Commune.

21.3.09

Réveil mystique

(Dédicace toute spéciale et affectueuse à
-A,
l'Achigan
et PL)




Coulent en mes veines et mes nerfs de profuses sèves mielleuses. Un goût de crème, onction matutinale, sur mes lèvres... Mon corps vieillit! Je n'ai plus la fraîcheur délicatement pure de mes quinze ans! C'est de géométries alternatives que s'inspirent désormais mes gènes. Partons tout de même! Chassons la langueur! J'ai soif de délicates et déliées ferveurs nouvelles. Exultet! Exultet!



"De mon temps (je veux dire : au temps de ma jeunesse), ça ne se passait pas comme ça.

Nous n'aurions pas toléré ces fausses sorties, ces rentrées, ces retours inopinés de l'hiver après que déjà tout est mis en scène pour la féerie nouvelle. De mon temps, on savait à quoi s'en tenir. Rimbaud pouvait écrire : Eucharis me dit que c'est le printemps; après quoi l'on n'avait plus à rallumer les calorifères.

... on se dit : c'est remis à plus tard, et l'on se replonge dans la méditation, la lecture; mais non : la pièce a commencé tout de même; et quand, levant les yeux de dessus le livre, on regarde au dehors... "

(André Gide, Printemps)






"Quittant la Grèce à regret, j'avais traversé la Yougoslavie en proie à un délire blanc et rose, admiré des bosquets de lilas sauvages, des arbres fruitiers, cerisiers ou poiriers, frémissants de candeur et de-ci de-là les grêles gerbes incarnadines des pêchers, tous plus beaux que je ne me souvenais qu'ils pussent être; puis, au bord des eaux, une grande fleur jaune, au port d'asphodèle, que je ne connaissais pas encore et dont j'aurais voulu savoir le nom."

(André Gide, Printemps)



Mes amis je suis las. Cent fois j'ai soufflé sur les braises qui pendent tristement aux branches des ormes, des bouleaux, des érables, des tulipiers, des ifs et des pruniers de mon paradis royal, sans même m'apercevoir que mon haleine était encore embuée de sommeil ou de phrases ; ce fut sur les coups de quatre heures, à l'heure où s'éveillent les dieux enfermés comme des confitures dans leurs statues hermétiques, puissent-ils ne jamais souffrir du froid de la fin des songes, que je marquai d'un sourire, signature mystique, les traces odoriférantes de plusieurs amitiés contractées dans l'année ; l'hiver s'en fut! les oiseaux fouettent mon chat Perse de leurs cris de femme! on sort les meilleures huiles, parfumées durant l'hiver en petites amphores précieusement marquées par la plume mauve d'une main d'esclave ; favorisant les fumigations sacrées, certains flamines enlèvent leurs bonnets en se passant une main triste sur le front, mais je les plains, car sur les terres encore blêmes du sang des nuages, les sacrifices ne sont plus de saison : Exultet! Exultet!





"Oui, pour être sensible au printemps, il y faut de la connivence et soi-même entrer dans le jeu. Alors l'adolescent soudain tressaille en écoutant, à l'aube, le chant du merle... il rougit d'entendre son secret palpitant divulgué; puis se rassure : la ville entière dort encore; il est seul à entendre; c'est affaire entre le merle et lui...

Qui n'a pas devancé l'aurore ignore tout ce qu'il peut se glisser, au printemps, dans les halliers, de frémissements, de frôlements incertains, de murmures. L'adolescent fervent, que tourmente une inquiétude inconnue, quitte son lit brûlant pour quêter la clef d'un mystère. C'est l'heure où le ciel, à l'orient, commence à pâlir. Comme un prisonnier qui s'évade, il quitte la chambre... le voici sous le vaste ciel, seul, éperdu de joie et bondissant comme un danseur; sa marche, en traversant la cour, est si légère qu'elle fait à peine crisser le gravier; il court vers le sentier du bois, s'y engage, offre son front à la rosée que secouent sur lui les branchages; il est de mèche avec le gibier..."

(André Gide, Printemps)



(Nijinski)

J'avance au son des fifres dans ma tête de tête. Mon coeur de coeur s'élance comme le coureur au bloc de départ. Mes mains, de mains! saisissent le jour.


Grande la ferveur au coeur des flamines blancs qui s'aspergent de sang neuf. Grandes nos espérances et grand le sourire dans mon cou qui frémit comme les bêtes au retour de toutes flamboyances déchues. Grand! Et c'est ce que nous ne disions plus! Grand! Mes yeux s'emplissent de miel, s'emplissent de crème fraîche, et mes doigts se réchauffent directement sur le ciel! Exultet!






"J'ai vu, depuis, les plaines du Maroc s'iriser, se diaprer de soucis orangés, de petits liserons bleus, de maintes fleurs riantes. J'ai vu sous les palmiers d'El Kantara, abrités par les hautes palmes, les abricotiers blancs bruissant d'abeilles abriter à leur tour les champs d'orge. J'ai vu le cimetière de Blidah... s'emplir de roses; son bois sacré de chants d'oiseaux. J'y venais en convalescent et sentais, comme en moi, la nature entière se réveiller enfin de sa léthargie de l'hiver. J'ai vu les plaines de Lombardie hasarder leurs premiers sourires; j'ai vu s'emplir de bouquets Rome et Florence..."

(André Gide, Printemps)





"Et j'allais m'en retourner vers de plus amènes contrées, lorsque soudain, gravissant une petite éminence et m'écartant de la forêt dormante, je découvris sur un espace découvert où s'attardaient des pans de neige, un peuple de petits crocus blancs, soyeux, délicats, qui n'en pouvaient plus d'impatience ayant leur mot à dire, et risquant leur fragilité à travers le feutre épais des mousses. Et j'en aurais pleuré de tendresse, car cette réaffirmation de l'amour, de la vie, ne paraît jamais plus émouvante que lorsque la mort l'environne. De même les grandes orobanches mauve pâle prenaient une éloquence inespérée dans le sable désolé du désert. De même, à Olympie, ce dernier printemps parmi les ruines..."

(André Gide, Printemps)


C'est vent de grande solennité pour les incartades incertaines, revivifiées! Et nos plissements d'oeil se sentent aux détours du ciel sur nos nuques comme des appels harmonieux de pieux animaux en pacage. Bientôt les écobuages seront patinés de vert tendre. Bientôt les voix souffleront comme de grandes soeurs sur le doux drapé des choses. Bientôt mes offrandes seront exaucés, se dit en aparté le chercheur angoissé de métaphysiques nouvelles. Il faut bien que quelque chose meure pour que tout le reste vive : O felix culpa, quae talem ac tantum meruit habere redemptorem !



1.3.09

Pas sage : avide

Pas d'ordre, pas de mystère, car oui, je sais, lecteur coquin et lectrice coquine aux lobes d'oreille que j'aimerais croquer parce que j'aime les lobes d'oreille et que j'aime mon lectorat, tu veux tout savoir, alors je te dis tout, et davantage encore, voilà, tu l'auras cherché :


Je suis d'un tempérament excessif, et comme on me l'a fait remarquer dernièrement, j'ai l'air d'une "drama queen" en rémission. J'ai abusé de tout, avec plaisir, surtout des substances qui jouent sur les humeurs, et des livres. Avide, vous dis-je.


Martine St.Clair est peut-être une femme très-belle qui a bien vieilli... Mais. (Ajoutez ici la chanson de votre choix qu'elle a eu le malheur de populariser...)


Dandyism's not dead : j'en suis la preuve vivante. Merci, Beau Brummell!


J'ai déjà frenché avec le meilleur ami de mon (ex-) chum... devant sa blonde. Et ce n'est pas moi qui ai commencé.


Être ami sur facebook (sous ma véritable identité, pas celle de Basta Bast) avec Anne-France Goldwater, la célèbre avocate de Lola, est un privilège que je partage avec seulement quarante-sept personnes. VIP, vous dites? Mon futur mari plein aux as n'a qu'à bien se tenir!


Un jour, mon amie G (comme le point, là) et moi, nous aurons : un manoir de style britannique à Frelighsburg, un âne pour aller faire les courses au marché du village, et des chaises à porteur pour que nos étudiants les plus virils nous apportent en classe lorsque nous serons professeur ou conférencier.


On me souffle à l'oreille que j'aurais jadis terminé ma carrière de chanteur à voix dans un karaoké de la rue Beaubien de très-gênante façon : en chantant "Ce soir l'amour est dans tes yeux" de Martine St.Clair en duo avec MAGIC. Goddam. Invitez-moi à Vie privée vie publique que je vous te fasse brââââiller un auditoire sur "ma descente dans l'enfer de la drogue"


Mon rêve le plus difficile à avouer en public est celui-ci : posséder une garde-robe "walk-in" comme celui de Carrie Bradshaw dans le film "Sex and the City" et n'y ranger que des articles de vêtement noirs. Avec peut-être quelques chemises blanches ou d'une couleur qui me donne un beau teint. Et y faire l'amour, bien sûr...


Je crois qu'il n'y a pas de raison de ne pas s'offrir du foie gras, même quand nos revenus frôlent le zéro et que nos dettes atteignent un point de non-retour. C'est une simple question de... délicatesse de tempérament. Et, mutatis mutandi, ce n'est pas parce qu'on est atrocement riche qu'on ne peut pas apprécier un cheeseburger avec bacon à 1,39$ après une brosse très généreusement arrosée de champagne (la Veuve, bien sûr - à la rigueur Paul Goerg parce qu'il est millésimé).


Conversation avec mon frère en fin de semaine : y a-t-il encore des gens pour penser que la coupe "mohawk" urbaine est à la mode? Semblerait que oui et, dixit mon frère : "pas juste à Laval". Rassurant?


Je n'ai pas de tatouage car je ne sais pas combien de temps je vais garder la même peau.


Quiconque a en sa possession des photos de Patrick Masbourian nu doit IMMÉDIATEMENT me les faire parvenir. Sinon, je vais continuer d'aimer mon lecteur et ma lectrice quand même... peut-être.


Je suis monarchiste pour des raisons démocratiques. Et parce que j'aime l'idée d'avoir une Reine qui soit aussi un chef religieux, le seul qui soit bien habillé.


On reconnait un nouveau riche et un pauvre au fait qu'ils n'ont pas de classe. Avoir de la classe, c'est profiter sans scrupule des largesses du premier, tout en appréciant davantage l'amitié du second.


Boire du mauvais café en bonne compagnie le rend meilleur. Boire de l'excellent café en compagnie de l'humoriste Dieudonné est très dommage, car on gaspille le café en le lui lançant violemment au visage.


J'ai déjà eu une aventure sentimentale et sexuelle avec un militant connu de la communauté musulmane au Québec (du genre qui se retrouve devant les tribunaux et dans les médias assez souvent), mais je l'ai quitté parce qu'il voulait rester dans le placard toute sa vie pour sauver l'honneur de sa famille. Mais j'ai appris à son contact des tas de trucs, dont un mot arabe : habibi, qui veut dire "mon chéri". Cute, non?


À mon ancien travail, dans le centre-ville où règnent le costard gris et le tailleur beige, je faisais jouer en boucle la chanson de Placebo suivante. Ça faisait rire mon amie Josée et ça rendait fous les autres employés...

22.2.09

Miscellaneous 5

Je suis le Jacques Languirand de la blogosphère. En plus sexy, et en moins ésotérique.




Relire Une saison en enfer. À voix haute, sur un ton naturel, normal, avec ma propre voix, sans déclamer et sans forcer. Les mots coulent, certains ont mal vieilli, d'autres ne me concernent pas, et l'ensemble prend la forme d'une palinodie. De l'automne initial jusqu'au printemps terminal, on ne sent aucun hiver prendre le sens du titre. Rimbaud aurait vraiment dû venir s'exiler au Québec plutôt qu'en Abyssinie. C'était un génie qui manquait (outre quelques embuscades bourgeoises et certains guet-apens religieux, dont il sait tirer profit jusqu'à la substantifique moelle, jusqu'à en inventer quelques uns, jusqu'à toucher sans concession le vide de sa génération) de résistance. En 1872, dans la Province de Québec, le plaisir infernal d'échouer à être Rimbaud...




Depuis quelques jours, depuis une éternité, je suis en manque criant de sa peau. De son poil. De son sexe. Je visualise chaque moment, chaque geste, chaque caresse, chaque baiser. Un aveu : nul ne m'a aussi souvent contredit en aussi peu de temps... Sur ce que je pense, sur ce que je glisse dans une conversation, sur mes préférences, sur ce que je ne suis pas sûr de croire, sur ce que je sais. Ça fait bizarre. Ça m'empêche de ressentir l'avantage que j'ai (trop) souvent d'emblée sur quelque padawan d'un soir. C'est parfois déstabilisant (même si je tente de le cacher), parfois amusant, et toujours excitant... Ça m'excite de sentir qu'il faut que je sois plus clair, moins fibreux dans mes explications, plus consistant et moins cynique. Et je le désire à ce point de tension que j'en deviens (moment fugace mais troublant) vulnérable dans ma virilité. Comme un boxer qui se rend compte que son jeu de pied n'est pas si rapide et si éblouissant qu'il l'eut cru... Étrangement, ça le rend encore plus désirable, encore plus beau, à mes yeux qui sont déjà à cheval sur les deux mondes...




La chanson qui me rend heureux ces temps-ci... La version de Rufus est une des meilleures à mon avis.







Envie de me coller avec lui pour écouter des films, pour jaser, pour rire, pour profiter de la chance d'être jeune, en santé et bandé.




"L'ennuie n'est plus mon amour. Les rages, les débauches, la folie, dont je sais tous les élans et les désastres, - tout mon fardeau est déposé. Apprécions sans vertige l'étendue de mon innocence.
Je ne serai plus capable de demander le réconfort d'une bastonnade. Je ne me crois pas embarqué pour une noce avec Jésus-Christ pour beau-père.
Je ne suis pas prisonnier de ma raison. J'ai dit : Dieu. Je veux la liberté dans le salut : comment la poursuivre? Les goûts frivoles m'ont quitté. Plus besoin de dévouement ni d'amour divin. Je ne regrette pas le siècle des coeurs sensibles. Chacun a sa raison, mépris et charité : je retiens ma place au sommet de cette angélique échelle de bon sens.
[...] La vie fleurit par le travail, vieille vérité : moi, ma vie n'est pas assez pesante, elle s'envole et flotte loin au-dessus de l'action, ce cher point du monde."
(A. R. Une saison en enfer)




René Char et Saint-John Perse ont en commun d'avoir pour puissance titulaire, pour origine, la face angélique de Rimbaud. L'un en a gardé l'appétit de l'éclair, la nature et les astres comme modèles vivants, l'autre en a hérité la chaleur des couchants, la beauté des orients diffamés, et des alexandrins qui se perdent dans une narration abyssale. Le premier a dit : Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud! Parce que c'est à ce coût que l'on secoue les gousses du réel pléthorique. Le second a déclamé : Éloges au prince, à sa montée vers les cieux toujours aussi clairs et baroques de la Poésie, ce monde plus beau qu'une peau de bélier peinte en rouge.

Hommage à l'ancêtre, le toujours-jeune aïeul, et à ses diadoques, et à son ultime épigone : moi.




Moi : une soupe de gènes barbares que mes parents n'eurent pas conscience de me léguer, et des sens qui me permettent de m'imbiber de vous.




Vous : chacun, multiplié indéfiniment par les relations qui donnent forme au monde et à sa bassement creuse et sublime matérialité. (Le monde est une cybernétique à la limite de la fantaisie, de l'illusoire. Une mappemonde qui se réinvente à chaque coup de feu.)



Elle est retrouvée!
Quoi? l'éternité.
C'est la mer mêlée
Au soleil.

Mon âme éternelle.
Observe ton voeu
Malgré la nuit seule
Et le jour en feu.

Donc tu te dégages
Des humains suffrages,
Des communs élans!
Tu voles selon...

- Jamais l'espérance.
Pas d'orietur.
Science et patience,
Le supplice est sûr.

Plus de lendemain,
Braises de satin,
Votre ardeur
Est le devoir.

Elle est retrouvée!
- Quoi? - l'Éternité
C'est la mer mêlée
Au soleil.


(A. R. Une saison en enfer)





Ma vie est un film de Bergman. (J'existe dans un univers sans consistance ontologique, quelque part dans les limbes de la nordicité et des fjörds glacés sur lesquels glissent en silence des barques mortuaires de guerriers sans visage, vaincus par des déesses armées d'airain et de lieds mortels.)