27.9.09

Xavier Dolan



Pourquoi est-ce que j'aime autant Xavier Dolan?





Dimanche, il pleut, je regarde des niaiseries sur Youtube et je me surprends à avoir chaud, à rougir en visionnant des entrevues de Xavier Dolan. Il me fait rire, il accroche mon regard, me plaît. Me fait réfléchir.

Que jamais je n'aurais imaginé un jour fantasmer sur le petit gars des annonces de Jean-Coutu; j'avais 17 ans quand il y jouait le p'tit criss blond.





Que mes amis, ô mes amis, amies "e" surtout, qui ont tellement, tellement voulu percer dans le domaine du théâtre, dans l'industrie cinématographique, n'ont peut-être pas moins de talent que lui, mais n'ont jamais osé être, c'est-à-dire travailler et se croire, travailler sans relâche, ce qui est une autre façon d'être. Tout comme moi : moi je n'ai jamais osé être, jusqu'au bout, ce que je voulais être. Je rêvassais alors que d'autres bossaient sur leurs projets. J'espérais... j'espérais être pris sous une aile protectrice d'emblée, échanger mon corps glabre et svelte d'adolescent contre les conseils et les conditions de travail et les caresses et les discussions d'un mentor. J'en ai rêvé, j'en ai connu... et je n'en ai rien retiré, sauf des bleus sur les fesses et sur l'âme. D'abord, j'aurais dû attendre d'être majeur... Et peut-être aussi n'avais-je pas le bon goût de me trouver un mentor vraiment très vieux et très influent, très doux aussi. Au lieu de ça, je me contentais de professeurs. Bad choice.

J'ai toujours écrit. Mais je ne comprenais pas vraiment le but, le sens de l'écriture. Je n'avais pas cette intuition géniale qui firent Lautréamont violer toutes règles, Rimbaud embrasser toute la langue et toute l'histoire de la littérature française. L'intuition juvénile... dictant des oeuvres à vu de nez. Au pif. Suivant ses (bas) instincts. Et pourtant, je recevais des marques d'admiration, d'encouragement, et, ce qui est tout aussi dommageable que les précédents, des réactions de rejet, de haine. Plus jeune, il m'arrivait de perdre complètement le sens de la réalité, à cause de ça.

L'été dernier, je connus, au sens biblique du terme, un jeune padawan terriblement beau, d'une beauté vraiment infernale, et surtout, extrêmement intelligent : école internationale, études brillantes, du talent fou pour le cinéma, et une volonté canalisée dans le travail (critiques de films, en anglais, et courts-métrages, etc.). Nos échanges étaient épiques, nos baises étaient torrides, nos rencontres, sporadiques. Trop sporadiques. J'étais amoureux de lui. Il n'avait que 18 ans (genre). Il m'avait d'abord menti sur son âge, le petit con. Je le voulais pour moi, que pour moi, je me sentais inspiré par lui comme je ne le fus jamais que par l'Achigan et peut-être aussi par quelques autres, de manière plus limitée, et je le voulais comme padawan, comme un espèce de disciple. Çà! je me prenais, à mon tour, pour un mentor. Un sale mentor de merde; il eut probablement aimé que je lui fasse davantage de bleus sur les fesses, en bon mentor, mais je préférais les lécher et les caresser goulûment, délicatement, amoureusement.

Et c'est moi qui eut encore les bleus sur l'âme. Je me fis très mal dans cette relation. Je finis par en perdre la tête. Bref, passons.



Il me plaisait comme me plait Xavier Dolan, et dans ce que je perçois de Xavier Dolan, et dans ce que j'aime trouver dans Xavier Dolan, et dans ce que j'aimerais être, moi.


Le mot est lâché : moi.


Peu importe sur qui je bande, avec qui je joue à la bête à deux dos (ou à trois ou quatre dos, d'ailleurs). Peu importe que ce soit fille ou garçon ou les deux entremêlé dans le même individu. Le type, l'idealtype que représente Xavier Dolan m'est irrésistible : d'une exquise jeunesse, l'air à la fois intello et fatal à la Johnny Depp, le talent, le talent, la force immense et inexpugnable du talent brut! de la volonté de faire, de créer, de s'imposer... cette force éminemment érotique, érotisante de celui qui réussit à canaliser, à sublimer quelque chose dans l'oeuvre et dans la présentation attirante de l'oeuvre. Pierre Lapointe dégage ce même charisme, et Nelly Arcand l'avait, et mon Padawan l'aura certainement, quand il aura créé une oeuvre de quelque importance.





On peut et on doit croire en ses amis. Bien sûr, la plupart ne réussiront pas. Pourquoi est-ce que Pierre Lapointe pouvait se permettre une telle assurance, une telle arrogance, sans faire fuir les gens, au contraire en attirant encore davantage les gens, charmés par sa dégaine, sa fougue, son professionnalisme? Pourquoi est-ce que chez d'autres, chez d'aucuns n'est-ce qu'insupportable? Pourquoi Xavier Dolan et pas tant de gens que je connais qui peinent à survivre dans le milieu cruel des arts de la scène? Je ne sais pas. Mais ce que je sais, c'est que contrairement à ce que l'on entend, et contrairement à tous les préjugés ou les réserves qu'on peut légitimement ou non avoir (et que j'ai eu dans le cas de Nelly, jusqu'à récemment), Xavier Dolan et Nelly Arcand et Pierre Lapointe méritent amplement le succès qu'il eurent dès leur première oeuvre.





J'aime Xavier Dolan car je vois en lui le type de jeune homme, de si tendre beau jeune homme fier, qu'une culture en train de naitre (ou de renaître) peut produire : pas la culture au sens de ministère de la culture, de subventions et d'industrie de masse ; culture au sens de Paris à la Belle Époque ou au temps du surréalisme, de Londres au temps des dandys ou des punks, de Vienne au temps de l'Empire austro-hongrois, celui de Freud et de Kafka. Le genre de culture qui, après une phase plus ou moins longue de défrichage épique, glorieux, de bric et de broc mais si exaltant (de St-Denys Garneau à Michel Tremblay, en passant par le Refus Gobal, à peu près), après une phase sombre de vide cuturel quasi fatal (les années 80 et début 90, à peu près), ne se rend pas tout à fait compte encore que les amarres sont lancés et que la qualité, la diversité, la beauté, le dynamisme sont en train d'atteindre un niveau inégalé.

Je le sens dans l'air. Je le vois autour de moi. J'en suis avide.



Xavier Dolan, c'est le jeune prodige que toute une société a réussi à laisser s'engendrer malgré les erreurs de parcours, malgré les rednecks anti-intellectuels et anti-artistes, homophobes et racistes, malgré les politiques de droite, malgré les émissions de télé ou de radio minables, malgré Denise Bombardier et Paul Sarrasin et Mario Pelchat, malgré la mode du brun, puis du pastel, et du fluo... Et peut-être aussi grâce à tout ça, grâce à une mystérieuse dialectique dont le mécanisme nous échappe. Xavier Dolan, comme Pierre Lapointe, comme de plus en plus de jeunes créateurs plus jeunes que moi, ou de mon âge, représente l'ouverture d'une culture vers une autre étape de son histoire, vers une rupture et un agrandissement des frontières de l'art.





Tant de jeunes brillants auteurs, compositeurs, artistes visuels furent détruits par notre province... André Mathieu, par exemple. Saint-Denys Garneau se croyait tel. Et Huguette Gaulin. La danse contemporaine agonise sous les coups répétés des politiques sauvages des Conservateurs. Et d'autres furent obligés de fuir, de s'exiler, ou de se faire publier ailleurs. Réjean Ducharme. Borduas...



Je suis amoureux de Xavier Dolan. Même si, le rencontrant quelque jour, nous ne nous aimons pas, nous nous haïssons même, je serai amoureux de lui. Car j'admire ce qu'il est. Il me donne envie d'encourager les gens que je lis, que je connais, que je croise, que je vois à l'oeuvre. Il me donne envie d'y croire, de rencontrer d'autres beautés extraordinairement érotisante de succès comme lui. Il me donne envie de participer à cette vie culturelle qui n'est plus celle des chroniques culturelles du Tj de Rad-Can (vous savez, ces bonnes vieilles chroniques culturelles plates de l'autre grand chauve jovialiste...). Il me fait réfléchir au nouvel horizon, en rupture avec l'ancien sur tant de points importants, qui est le nôtre, désormais.

Ce que je fantasme pour les Lettres, Xavier Dolan et d'autres me le montrent comme étant possible dans leurs propres domaines artistiques. Et même si je reste, pour une raison ou une autre, à l'extérieur du mouvement, si j'échoue dans mes projets, j'aurai une place de choix pour l'observer et l'applaudir. Et ce sera bien.

5 commentaires:

  1. Excellent billet, une ouverture sur ton for intérieur et d’une franchise qu’on ne retrouve pas souvent sur un blogue personnel.

    Merci pour le privilège.

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  2. Effectivement, une belle ouverture, d'âme, de coeur et d'esprit. Bravo, on en voit rarement!
    -xxx-

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  3. Effectivement, Nelly Arcan méritait grandement qu'on l'honore. Malheureusement, bien des gens déforme son discours en ne s'arrêtant qu'à Putain, qui n'est qu'une partie de son cheminement. Putain est normal comme étape (la révolte, comme une ado qui dit "j'en ai marre, je veux être adulte, traitez-moi en adulte"...Mais qui ne l'est totalement pas encore à voir sa réaction. Or, elle a écrit d'autres livres par la suite et son discours, ses pensées ont évolué. Malheureusement, les féministes l'ont lâché...Quand elle a commencé à remettre la femme en question. Aujourd'hui qu'elle est morte, on l'a ressort pour dire "regardez ce que la prostitution tue des pauvres femmes"...Visiblement, elles n'ont pas lu toute son oeuvre et elles n'ont aucun respect pour cette femme (se sont-elles intéressée à elle pour affirmer ça ?)

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