12.8.09

Dans tes dents, Tori Amos!

La légende veut que lorsque les missionnaires chrétiens voulurent convertir les barbares de Grande-Bretagne, ils firent comme partout ailleurs et tentèrent de convaincre les petits monarques, les autorités civiles, politiques, d'embrasser la religion du ressuscité au nom de leurs sujets. Or, contrairement à ce qui se vit ailleurs, c'est le chef religieux du cru, le grand druide lui-même qui se convertit en premier, persuadant ses congénères de la mort de leurs anciens dieux : pour preuve, il alla lui-même abattre les idoles de bois et de pierre que son peuple avait toujours vénérées, et ne s'en trouva pas plus mal.



Malade comme un chien, je n'ai pas grand chose à faire d'autres aujourd'hui que de gémir et d'écouter de la musique, de lire Saramago ou Dumézil, et de me masturber sur les images mentales de la jeunesse dorée qui ne connaît pas sa chance de s'envoyer en l'air en jeans hyper slims vert lime, en converse vintage et en lunettes de soleil de plastique orange ou blanc. Bref, je suis malade alors je me suis derechef réfugié dans mon antre, bien à l'abri de mes amis et de ma parentèle. Et tant qu'à ne pas feeler, autant en profiter pour commettre des sacrilèges.

Et d'abattre mes idoles. Ça calme, à défaut de dormir par une canicule pareille.



Mes amies Pomme et JFM passent déjà leur dernière nuit dans le pays de notre souveraine bien-aimée. Dans un précédent message je les saluais au son de quelques tounes qui me plaisent, made in England. Or, aujourd'hui, je suis tombé à la fois sur un message de Pomme, et sur la chanson "Welcome in England" de Tori Amos.

Et j'ai tenté de retrouver mes émois adolescents devant la divine interprète de Caught a lite sneeze. Celle qui faisait vibrer Trent Reznor et tous les bums de ma génération. En vain.

Succès souvenir de 1996.


Détruisons donc l'idole.


Mais avant, deux ou trois informations importantes à savoir. L'Achigan a sensiblement fait le même exercice que je m'apprête à faire, et son résultat est magistral, magnifique. C'est pourquoi je vais le citer impunément, et je vous conseille vraiment d'aller le lire au lieu de perdre votre temps à m'écouter chiâler. Ensuite, je tiens à dire que ma passion juvénile pour Tori Amos frisait la dévotion hystérique. Je suis allée la voir en spectacle à deux reprises (où j'ai pleuré comme un veau), j'avais des centaines d'images d'elle, des reliques, des affiches, une biographie autorisée, ses disques, et je lui ai même déjà écrit (personnellement). Je n'écoutais pratiquement que ses opus pendant des lunaisons entières; j'ai appris mes premiers rudiments d'anglais à la traduire; j'écrivais des cochonneries et des horreurs littéraires inspirées par elle, par ses textes gnostiques, par ses folies scéniques. Bref. Vous voyez le genre. L'amour fou.

C'est presque humiliant de se rendre compte à quel point on peut devenir groupie d'une artiste pop. Fanatique. Déraisonnablement ébloui.

J'en garde, à part quelques beaux souvenirs et deux ou trois chansons d'elle qui resteront éternellement des petits chefs-d'oeuvre, une délectation malsaine pour tout ce qui est victorien et/ou roux.


Mais là, la madame, elle a 45 ans, et moi l'âge de Kurt Cobain quand il est mort. Je n'ai pas la même vision des choses qu'avant, ce qui ne semble pas être le cas de Tori. Pauvre Tori.

"Qu'as-tu à dire mortel ? Où est ton feu ? Voilà tout ce qui importe."


Tout le potentiel est encore présent. Mais le résultat est bidon. Vide. De mauvais goût, même.

Voyez plutôt :



QUOSSÉ ÇA???

Paroles et musique : du n'importe quoi érigé en spectacle désolant de grandiloquence. Froide, vide, muette, évanescente, inutile comme une poupée Barbie sur une étagère de vieille fille frigide.

"Welcome to England,"he said, "Welcome to my world. You better bring your own sun."

Oh. Jeez. Sooooooooo clever. Rainy England. Bring your own sun.

COME ON!!!!



Le clip ressemble à un mauvais vidéo de vacances, du genre que ne ramèneront pas mes amies Pomme et JFM parce que. Et ça pue le touriste américain pétri de préjugés et de raccourcis culturels. Le Big Ben, les casques de poil des soldats à tunique rouge, les autobus à impériale, la mélancolie ambiante.

Et se trouvait-elle exceptionnellement belle, raffinée et originale en allant se balader déguisée en drapeau américain, comme si elle incarnait la subtilité légendaire des USA, comme si son patriotisme violent n'avait pas une petite gêne même au royaume de Sa Majesté?

Dégoûté, je suis.



Sa voix de chanteuse pop vieillit mal : son accent diphtongué qui ne ressemble à rien me tape sur les nerfs. Elle est nasillarde. Elle étire les notes comme de la gomme à mâchée cheap.

Elle ne sait plus comment chanter
, voilà.

"Maintenant, Tori Amos est une dryade saoule, absente, heureuse et pervertie."


Une risée.

Où est passée la fougue, la magie, la mythologie, le rythme endiablé du pianoforte, du clavecin, de l'orgue? Où est passée la Ugly Betty de la chanson pop-grunge? Quelle espèce de vieille matante ratatinée essaie-t-on de nous vendre comme un t-shirt du Che ou comme un slogan de Mai 68 sur des bijoux griffés?

L'idole est bel et bien vide, sa divinité, envolée. Il ne reste rien. Que des images insipides, que du bruit, que de la paillette fanée, que des rides trop maquillées. Pity.




Y aura-t-il quelqu'un pour la défendre? Ou est-ce que l'été, mon insipidité bloguesque, la vacuité du web 2.0 auront eu raison de tout esprit critique, de tout esprit de chapelle, de toute quérulence?

Whatever.

Je préfère encore me branler en m'imaginant décoiffer Xavier Dolan de plaisir.


Et soigner ma grippe, seul et malheureux, au coeur de mon bien-aimé Plateau bruyant, sale et déchu comme mes idoles d'adolescence.

6 commentaires:

  1. Pauvre Tori, oui. Perso, elle m'a toujours dégouté. J'ai revu un vieux vidéo, nah, rien à faire. Elle m'écoeure. Me fait penser à une matante collante qui se croit séduisante.

    Je préfère Ginette Reno. Au moins, elle n'a rien d'awkward.

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  2. "Quelle espèce de vieille matante ratatinée essaie-t-on de nous vendre comme un t-shirt du Che ou comme un slogan de Mai 68 sur des bijoux griffés?"

    C'est horriblement ça, Bast.

    Mais tu sais quoi ? Je crois tout simplement que c'est la fin d'une ère et qu'il faut bouger. C'est bien. C'est un déclin et une renaissance, faut juste pas crouler avec notre nostalgie.

    C'est sûr que je vais toujours yeuter en arrière pour voir si il y aurait pas eu de résurrection, mais il y a des bonnes chances que Tori reste bien enroulée dans son suaire, sur son grabat de chirurgie esthétique...

    Je me suis déjà trouvé une idole à aimer. Le plus absurde, c'est qu'elle fait carrière depuis aussi longtemps que Tori, mais c'est maintenant qu'elle atteint le faîte, le climax de son art...Dear Roisin Murphy.

    Tu vois, il y en a qui t'explosent dans la face en commençant. Ils sont frais, géniaux. C'est incroyable de réussir comme ça si jeune! Et il y a les autres, qui tranquillement font leur chemin en travaillant, en expérimentant. Ils ne sont pas des bombes, mais ils y arrivent, on les voit venir, avec le nuage que fait leur légion.

    J'ai espoir de faire partie de cette gang de lenteur, de beauté progressive !

    Fuck Tori Amos mate !

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  3. Pour ma part j'adore toujours Tori, même si je comprends en partie ta déception. Cependant, ce serait dommage de prendre "Welcome to England" et sa vidéo comme points représentatifs de ce qu'elle est aujourd'hui car l'album qu'elle vient de sortir en mai vaut bien bien plus que ça. On sait bien qu'en ces jours où l'industrie musicale grand public ne jure plus que par Britney Spears, Lady GaGa et autres artistes aux airs faciles et clonés les uns sur les autres qui inondent les ondes et les chaînes TV, les artistes plus authentiques ont parfois eux aussi le couteau sous la gorge pour sortir des singles commerciaux pour avoir droit à leur petite part de promo. A part cela, je pense aussi que tu te méprends sur le fond de la chanson et de la vidéo: il ne s'agit pas de patriotisme US à proprement parler. Tori est une Américaine qui vit depuis près de 20 ans en Angleterre, elle adore les Anglais... Mais, ce qu'elle a souvent dit à propos de cette chanson dans les interviews, c'est qu'elle a choisi de vivre là-bas par amour pour son mari british et elle a l'impression, même si elle adore la région, d'être une "invitée" là-bas.Donc elle reste une Américaine en Angleterre et elle a écrit la chanson car ces deux dernières années elle a eu certains problèmes qui l'ont démoralisée (problèmes ayant un rapport avec le fisc à ce qu'elle a sous-entendu dans une inter apparemment par rapport au temps qu'elle passe en Angleterre et aux USA et où elle a "travaillé")et qu'elle ressentait le besoin de retrouver ses racines pour se reconnecter. Elle a toujours apporté beacoup d'importance aux lieux où elle se trouve, enregistre ses albums, l'histoire des lieux et je pense que c'est quelque chose de différent du patriotisme typique, même si en effet je vois très bien, en écoutant la chanson et en voyant la vidéo, comment on pourrait prendre ça de manière tout à fait péjorative pour les Anglais.

    Sur sa musique, à part "The Beekeeper" qui est son album le moins réussi et qu'elle aurait dû réduire à 10 titres (elle a d'ailleurs reconnu qu'elle n'était pas satisfaite de l'album et qu'elle le considérait plus comme un "album de b-sides") je l'aime toujours autant même si en effet, elle est différente de ce qu'elle était 10-13 ans plus tôt. Je pense qu'elle a toujours réussi à se renouveler et à évoluer sans se demander de ce que les fans en pensent. C'est sans doute pour ça qu'elle a perdu pas mal de fans qui ne retrouvaient pas assez la nana de "Little Earthquakes" et "Boys for Pele" mais, si l'on excepte 2-3 titres sur presque chaque album depuis "Scarlet's Walk" qui sont un peu trop doucereux voire bien guimauves (selon les sensibilités) je pense qu'elle n'a pas perdu de son talent, ni de son intégrité. Comme tu l'as dit, elle a 45 ans: elle ne pouvait pas rester comme au temps de "BFP" indéfinimment.

    Et je te conseille, si tu ne les a pas vus, de regarder sur You Tube l'émission de Arté de 2002 "Arte Music Planet 2Nite" où elle chante 7 chansons en solo de "Scarlet's Walk" et cherche les live de cette année des radios FM4 (concert solo de 1h, très bon) et 3VOOR 12, particulièrement ses interprétations de "Lady in Blue" extraite de son nouvel album. C'est bien plus représentatif de sa musique que son single.

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  4. @ Angélus : Tous les goûts sont dans la nature, faut croire... lol Reviens souvent "me faire la tendresse"!

    @ L'achigan : Je suis ton tout-dévoué, et moi aussi, grâce à toi, je communie aux rythmes de Roisin.

    @ Cecile : Wouah! Je suis doublement flatté par votre réponse, tant par sa générosité quantitative que par ses qualités argumentatives. Je vous remercie infiniment pour les précisions que vous apportez, pour la grande clémence avec laquelle vous avez lu cette descente en flamme de notre idole commune, et par-dessus tout, de m'avoir fait découvrir votre blogue qui est, je dois dire, tout à fait à mon goût. Avant de vous enjoindre de revenir ici souvent, et de vous y sentir la très-bienvenue, je voudrais souligner à grands traits la mauvaise foi que j'ai mise dans le présent billet. Même si je persiste à penser que le meilleur de Tori est malheureusement derrière elle, je prend bonne note de ce que vous avez porté à mon attention et à celle de mes lecteurs de qualité. Bien à vous! :)

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  5. un article pourtant bien construit mais rempli de haine et d'informations non fondées qui détruisent une des plus grandes artistes de ce siècle... Je trouve ça dommage d'en arriver là.

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  6. L'art est difficile la critique est facile. Elle dure Amos, elle dure, c'est juste que t'as pas pû ma pogner pendant qu'elle était bonne :) Ecoute Unrepentant Geraldines. C'est énervant les gars qui prétendent avoir au une émotion musicale pour justifier leurs turgescences pubertaires.

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Faites comme chez Bast