27.5.09

4:25

J'aime décidément me réveiller à l'aube. Je me sens plus en forme, plus efficace, plus allumé, et quelque peu privilégié. L'aube c'est l'heure des Dieux. Et quand j'ai de la difficulté à m'extirper de mon lit, c'est Ganesh qui me vient en aide (dieu des portes et des commencements).

Je traverse à pied le Parc Lafontaine pour aller travailler. J'entends la voix de René Homier-Roy. Je fume une cigarette et je pense à : des bouts de souvenirs effilochés; des gens que j'aime; des livres que je n'ai pas encore lus; des créatures surnaturelles, anciennes; des muscles et des tendons inconnus, dans mon corps, qui se dégourdissent lentement; des chansons ou des poèmes un peu tristes; des fantasmes sexuels.

Lors, il fait bon vivre à Montréal malgré tout. Je sens le temps (l'histoire?) se contracter et se dilater, palpiter et se juxtaposer comme des plans (des perspectives) dans un tableau. Je sais. Je sais ce qui était là avant que ma grand-mère ne vienne au monde en 1920. Je vois le parc en 2009, mais je le vois aussi en 1950, en 1910, en 1880, en 1760. Je sens la ferme Logan, le manège militaire et les marais épicés aux orchidées sauvages prendre formes sous la surface délicatement froissée du réel. Il y a longtemps que j'habite ici. Il y a quelques milliers d'années.

Avant moi, après moi. Illusions. Et sur ma peau, le souffle glacé de l'aube printanier. Il y avait déjà un hôpital avant l'hôpital, avant les maisons à trois étages et les rues asphaltées, avant les trottoirs et les automobiles. Le matin, à l'aube, il n'y a beaucoup de voitures. J'ai vu des tramways et des chevaux tirer des glacières.

Le temps me manque. Il est trop rapide, le matin. Il me pousse vers la sortie, vers le boulot, vers les devoirs et les responsabilités silencieuses. Mon silence prend un sens particulier que personne d'autre ne peut comprendre. Mon silence répond aux fantômes du passé qui m'accompagnent sur ma route. Nous nous regardons en silence. Il pleuvra aujourd'hui, et les prochains jours.

J'avance en souriant.

2 commentaires:

  1. Content de lire Ganesh... divinité que j'affectionne grandement. Il y'avait un jeune homme dans une classe qui avait aussi ce nom de famille, je lui vouais une appréciation secrète.

    Te lire est toujours un plaisir.

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