Mon nom est drame depuis les hivers roux de mon enfance. Il s'immisce en douce aux distantes tombolas des Laurentides et des Atrides. Et sur les lèvres de l'hiver, et sur les mains gercées de l'hiver, et sur les yeux à demi clos de l'hiver, et sur les pieds tordus de l'hiver, j'avance une parole sibylline en guise de feu, d'un geste dramatique.
Mon nom est drame sur les miroirs sans tain de l'amour.
Je me drape de feu liquide sur toute l'étendue de mon nom. L'olivier! Tu portais par grappes mon espoir de fin d'été. Tu ne t'es dénudé que dans la nuit huileuse de houille et d'attente pendant qu'au loin chantaient les Veilleuses du deuil ancien, pour que je ne puisse te consommer. Et j'ai continué de déclarer mon nom.
Le bouge de l'historien
par René Char
La pyramide des martyrs obsède la terre.
Onze hivers tu auras renoncé au quantième de l'espérance, à la respiration de fer rouge, en d'atroces performances psychiques. Comète tuée net, tu auras barré sanglant la nuit de ton époque. Interdiction de croire tienne cette page d'où tu prenais élan pour te soustraire à la géante torpeur d'épine du Monstre, à son contentieux de massacreurs.
Miroir de la murène! Miroir du vomito! Purin d'un feu plat tendu par l'ennemi!
Dure, afin de pouvoir encore mieux aimer un jour ce que tes mains d'autrefois n'avaient fait qu'effleurer sous l'olivier trop jeune.
Mon nom est drame et son évocation est sanglotante.
Onze hivers plus tard, je suis l'historien des sentes de la mort, des sentes de l'hiver. Je n'ai pas encore découvert le ciel qui portera mon feu vers une saison plus clémente. Au détour d'une page, je vois sourire un mot : basta!
Le drame se résorbe à la surface du texte... Quand tes yeux éclatent comme des olives mûres, quand tes yeux éclatent de rire roux, le joug de mon nom, enfin, est renversé.
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