19.12.08

Tibet mental


L'empire de la normalité étend ses champs d'assimilation jusqu'aux trognons les plus pourris. J'aimerais dire : basta! de la normalité et de ses institutions régulatrices, mais c'est sinon impossible, c'est en fait peu souhaitable. Qu'aurait écrit Lautréamont, qu'aurait écrit Sade, qu'aurait écrit Apollinaire sans les transgressions que nos Chines morales nous forcent à faire?


"Elle se coucha sur une table couverte d'un drap noir. Un pope entra vêtu d'habits sacerdotaux, il disposa les vases sacrés et commença à dire la messe sur le ventre de Natacha. Mony se trouvait près de Natacha, elle lui saisit le vit et commença à le sucer pendant que la messe se déroulait. Cornabœux s'était jeté sur André Bar et l'enculait tandis que celui-ci disait lyriquement:

- Je le jure par cet énorme vit qui me réjouit jusqu'au fond de l'âme, la dynastie des Obrenovitch doit s'éteindre avant peu. Pousse, Cornabœux, ton enculade me fait bander.

Se plaçant derrière Mony, il l'encula tandis que celui-ci déchargeait son foutre dans la bouche de la belle Natacha. A cet aspect, tous les conjurés s'enculèrent frénétiquement. Ce n'était, dans la salle, que culs nerveux d'hommes emmanchés de vits formidables.

Le pope se fit branler deux fois par Natacha et son foutre ecclésiastique s'étalait sur le corps de la belle colonelle."

(Onze mille verges d'Apollinaire)


La raison n'a rien à voir là-dedans. J'ai la même soif de beauté que de profanations. Nous sommes nombreux à aimer autant les comptines de Tricot Machine que les vidéos gore...


Nous sommes nombreux à ne pas savoir comment séparer le réel du fantasme. À se faire des cas de conscience. À se sentir assaillis par la culpabilité, par le vide des conventions morales, par les estafilades de quelque surmoi surfait et superfétatoire. Basta les peurs! Basta les marginalités outrancières! Je parle de faire entrer la folie au coeur même de la normalité! De jouir au coeur même de la normalité! De devenir Jésuite! D'évaluer casuistiquement! De ne pas vomir sur ceux qui sont tendres! De ne pas juger ceux qui sont pervers! De ne pas s'associer outre mesure dans des ghettos conformistes! De respecter les rêves comme autant de petites bulles de Tibet dans la réalité et ses chinoiseries!


Ce monde baroque mérite ses chaînes et ses révoltes spartakistes! Pour profaner, ça prend du sacré, sacrament!


Et pour que les fantasmes les plus horribles gardent leur spécificité, ça prend aussi des chansons tristes, des films d'amour et des Noëls d'antant.


Sinon, à quoi bon? La vie mérite sa diversité exponentielle. Sa flamboyance de grands Soleils écartelés.



"Va! nous nous étonnons de toi, Soleil! Tu nous as dit de tels mensonges!... Fauteur de troubles, de discordes! nourri d'insultes et d'esclandres, ô Frondeur! fais éclater l'amande de mon oeil! Mon coeur a pépié de joie sous les magnificences de la chaux, l'oiseau chante : "ô vieillesse!...", les fleuves sont sur leurs lits comme des cris de femmes et ce monde est plus beau

qu'une peau de bélier peinte en rouge!"


(Anabase, III, de Saint-John Perse)

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