17.12.08

Liseur de bonnes aventures

[Je ne me considère pas comme un écrivain. Ce n'est pas en forgeant qu'on devient forgeron, ce serait plutôt l'inverse...

Je lis. Je suis un liseur. Et c'est en lisant que je me raconte. Ce que je veux dire, c'est que j'assimile et recrache presque indemne. Je commente. Je continue.

Cent fois sur le métier...



-- Pas maintenant. Pas encore. Peut-être jamais. Mais j'ai quand même besoin de m'exprimer. Ex-primer, c'est extraire, c'est faire sortir ; et là, les images les plus dégueulasses qu'on puisse trouver pour servir de métaphore se dessinent dans mon esprit mais je ne les décrirai pas.

Ou plutôt oui, celle-ci : chaque fois que je lis quelque chose qui me dérange ou me plaît ou m'émeut, c'est comme un kyste qui se forme en moi. À la fois interne à mon organisme, à la fois étranger. Ça fait mal, ça veut s'exprimer et ça pousse. Ça pousse contre les parois de mon crâne. Ce n'est pas l'image consensuelle de la "grossesse", de l'enfantement qui me paraît convenir... au contraire, c'est presque monstrueux. C'est bel et bien monstrueux ce qui se passe en moi. Mais ça ne veut pas dire : repoussant. Ça veut juste dire, comme le veut l'étymologie du mot "monstre" : ce qui est "montré", ce qui se montre, ce qui est visible et visiblement différent, anormal...



-- Tandis qu'un écrivain fait dans le polissage, je fais dans le barbouillage. Ça me permet de filtrer par la forme ce que je veux dire, ce que je vis, sans avoir à m'identifier ou à me donner une mission (d'auteur). Personne (ni éditeur, ni lecteurs, ni Dieu, ni maître) ne m'oblige à écrire. Pas même pour l'argent. C'est un geste gratuit.

Je lis ce que les autres écrivent, je m'en repais, et le régurgite pour le transmettre (par le biais de ma subjectivité, de mes goûts et de mes couleurs, desquels on ne dispute point) à d'autres. Passeur. Courroie de transmission dans un mécanisme qui me dépasse.

J'alimente mon univers mental carnivore, voire cannibale, qui finit par se dévorer lui-même. Cronos en son esprit malade a des envies de changer : de tube digestif divin, il veut engendrer des dieux plus forts que lui, qui le détruiront. Par une parole rien moins que prophétique, se faire Pythie.

Et perpétuer les aventures.



-- Avant, c'était pratique courante chez les poètes : les continuations. De Virgile à Hermann Broch, en passant par Dante, Chrétien de Troye, James Joyce, et tant d'anonymes (surtout ceux-là, en majorité écrasante face à quelques héritiers de génie) par tradition ou orale ou livresque, faire suite aux ouvrages du passé pour les réactualiser, les réinterpréter et se les approprier.



-- Bref. Petite parenthèses didactique plate... Tout ça pour dire que je fais tout ça, non pas pour me mettre de l'avant MOI, ce qui, franchement, n'a d'intérêt que passé à la moulinette de la littérature, mais pour que mon univers mental prenne de l'expansion jusqu'à dévorer le monde entier -- ce roman, ce poème, ce feu.]



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