12.1.09

PERSE


Perceval le Gallois vient d'entrer dans ma vie. C'est un joyeux luron. Il est roux très pâle. Il est beau et doux.

C'est lui :

Il est aussi, par son surnom, son diminutif qui ne le diminue pas, Perse. Mon chat. Perse.



Perse comme l'antique empire des Achéménides mazdéens, cette civilisation opposée aux Grecs classiques, et qui vénéraient les dieux anciens que révéla Zarathoustra le Mage : Mithra, Ormazd, les anges inquiétants et la pureté des éléments (Temples du Feu, Tours du Silence...). Pays des Rois Mages. Immense empire aux frontières mouvantes, centré sur le Plateau iranien, et dont l'Iran actuel, musulman chiite, est et n'est pas l'héritier direct.

Perse!



Perse comme le poète stoïcien, auteur de Satyres...

« — Mais à quoi bon les fruits par l’étude amassés,
À moins que plus actif, plus puissant que le lierre
Qui mine lentement et fait fendre la pierre,
Le savoir ne parvienne à paraître en dehors ?
— Ah ! voilà donc le but où tendent vos efforts,
Vous que l’on voit vieillir et sécher sur un livre !
Voilà le doux espoir dont votre orgueil s’enivre !
Ô mœurs ! quoi ! n’est-ce rien que tout votre savoir,
À moins qu’aux yeux d’autrui vous ne l’ayez fait voir ?
— Mais enfin nous aimons, quand quelqu’un nous rencontre,
À voir que de la main en passant il nous montre
À l’ouïr s’écrier : c’est lui : le voyez-vous ?
Et quoi de plus flatteur encore et de plus doux
Que de savoir qu’un jour nos œuvres immortelles
À cent jeunes romains serviront de modèles.
— Il est vrai ; regardez les fils de Romulus ;
Voyez-les, au milieu de festins dissolus,
La balance à la main, aussitôt qu’ils sont ivres,
Peser et comparer les auteurs et leurs livres ! »


Perse... Mon chat qui est le poète que je préfère, autant que René Char : Alexis Saint-Léger Léger, alias Saint-John Perse, prix Nobel de Littérature.



Saint-John Perse... Je lis son Anabase ("montée", en grec ; ce qui désigne les conquêtes d'Alexandre le Grand, le Biscornu, le bâtisseur de Villes, le conquérant de la puissante Perse...), le plus souvent possible.

« Anabase IV


C'est là le train du monde et je n'ai que du bien à en dire -- Fondation de la ville. Pierre et bronze. Des feux de ronce à l'aurore

mirent à nu ces grandes

pierres vertes et huileuses comme des fonds de temples, de latrines,

et le navigateur en mer atteint de nos fumées vit que la terre, jusqu'au faîte, avait changé d'image (de grands écobuages vus du large et ces travaux de captation d'eaux vives en montagne).

Ainsi la ville fut fondée et placée au matin sous les labiales d'un nom pur. Les campements s'annulent aux collines! Et nous qui sommes là sur les galeries de bois,

tête nue et pieds nus dans la fraîcheur du monde,

qu'avons-nous donc à rire, mais qu'avons-nous à rire, sur nos sièges, pour un débarquement de filles et de mules?

et qu'est-ce à dire, depuis l'aube, de tout ce peuple sous les voiles? -- Des arrivages de farines!... Et les vaisseaux plus hauts qu'Illion sous le paon blanc du ciel, ayant franchi la barre, s'arrêtaient

en ce point mort où flotte un âne mort. (Il s'agit d'arbitrer ce fleuve pâle, sans destin, d'une couleur de sauterelles écrasées dans leur sève.)

Au grand bruit frais de l'autre rive, les forgerons sont maîtres de leurs feux! Les claquements de fouet déchargent aux rues neuves des tombereaux de malheurs inéclos. Ô mules, nos ténèbres sous le sabre de cuivre! quatre têtes rétives au noeud du poing font un vivant corymbe sur l'azur. Les fondateurs d'asiles s'arrêtent sous un arbre et les idées leur viennent pour le choix des terrains. Ils m'enseignent le sens et la destination des bâtiments : face honorée, face muette; les galeries de latérite, les vestibules de pierre noire, et les piscines d'ombre claire pour bibliothèques; des constructions très fraîches pour les produits pharmaceutiques. Et puis s'en viennent les banquiers qui sifflent dans leurs clefs. Et déjà par les rues un homme chantait seul, de ceux qui peignent sur leur front le chiffre de leur Dieu. (Crépitements d'insectes à jamais dans ce quartier aux détritus!)... Et ce n'est point le lieu de vous conter nos alliances avec les gens de l'autre rive; l'eau offerte dans les outres, les prestations de cavalerie pour les travaux du port et les princes payés en monnaie de poissons. (Un enfant triste comme la mort des singes -- soeur aînée d'une grande beauté -- nous offrait une caille dans un soulier de satin rose.)

... Solitude! L'oeuf bleu que pond un grand oiseau de mer, et les baies au matin tout encombrées de citrons d'or! -- C'était hier! L'oiseau s'en fut!

Demain les fêtes, les clameurs, les avenues plantées d'arbres à gousses et les services de voirie emportant à l'aurore de grands morceaux de palmes mortes, débris d'ailes géantes... Demain les fêtes,

les élections de magistrats du port, les vocalises aux banlieues et, sous les tièdes couvaisons d'orage,

la ville jaune, casquée d'ombre, avec ses caleçons de filles aux fenêtres.

*

À la troisième lunaison, ceux qui veillaient aux crêtes des collines replièrent leurs toiles. On fit brûler un corps de femme dans les sables. Et un homme s'avança à l'entrée du Désert -- profession de son père : marchand de flacons. »


Mon chat est très-beau dans son nouvel appartement. Ce n'est plus mon appartement : j'habite chez Lui, désormais. Et ça me rend juste

tellement

trop

heureux...!




Je vous en donne des nouvelles bientôt!

3 commentaires:

  1. De sable au lion rampant, éviré, d'or et de gueules.

    L'héraldique n'est quétaine que lorsqu'on l'embrasse dans son contexte. Mais je me trompe souvent, et frenche rarement hors des liens du concubinage ;)

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  2. Ahahahaha!!! Oui, cette image s'adressait à toi! :)

    Merci encore, l'Èvre!!!

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  3. Perse!

    Je lis Neiges presque tout les jours, personellement, et l'incroyable dans tout ça et ce don qu'il a de toujours fasciner autant à chaque lecture!

    Merci pour cet extrait d'Anabase :)

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