Tagué par Alex, je vous fais donc pénétrer mon esprit malade par les orifices les plus horrifiques. Tenez-vous-le pour dit, tenez-vous pour prévenus, tenez-vous les fesses serrés, et basta! Cela va comme suit :
J'avais 18 ou 19 ans. J'étais mince et niais comme une chanson de Caroline Néron. Tout a commencé par un flirt avec mon prof de philo (coké jusqu'aux yeux, look vaguement Brel mâtiné de Yves Montand, du genre à taper très fort pour laisser des traces) et ça s'est terminé dans la cave aux allures de donjon cheap, le sol couvert de boîtes de carton découpées, les murs de pierre de taille ornés d'anneaux et de mon corps nu accroché comme un trophée de chasse (Hoc est enim corpus meum - prenez-moi, mangez-moi tous pour me transsubstantier), mon sang impur souillé de drogues, d'alcool, de perversions sexuelle, de littérature et de vie. L'autre fois c'était pis, si possible, dégueulant sur le sol pendant que je me faisais enculer, or c'était le printemps et je sentais mon esprit malsain rejoindre les hautes sphères de la plus pure déjection cosmique. Entre Sartre et saint Anselme, preuve ontologique à l'appui, les engueulades, les prises de bec, les prises tout court et les crises de larmes noyées de mauvais vin, dans les volutes mauves d'un sadisme scandaleusement scandé de par tout le cégep ébaubi, je sentais sa langue fouiller ma bouche et sa salive couler sur mon menton, son haleine s'enlacer à la mienne, nos torses et nos bassins se connaître au sens biblique du terme. On remet ça mais à quatre, j'ai jamais autant aimé les tatous que ceux que je léchai comme une chienne, les bites brandies comme des arguments élégamment réduits à des modus tollendo ponens, la musique de Jay-Jay Johanson ou de Portishead, de Tori Amos ou de Daniel Bélanger nous enveloppant, nous fouettant, nous caressant, nous masturbant, nous donnant le change et je perdis pied un matin quand je vis tous les ecchymoses sur mon corps. Les mamelons pincés jusqu'au sang, Paul Valéry et Kant fourbus après une conversation délirante en forme de tempête, on s'endort comme des loirs, moi sur le divan et lui avec son conjoint, je sens le foutre et la choucroute, basta, c'est trop bon, je pleure comme une fillette dans ses bras, qui suis-je, qui suis-je, que vais-je devenir? Je comprends que dalle, je crois que je suis fou. On me bastonne de citations, on m'enfile des godes dans le cul, de jour comme de nuit, les autres je m'en fous mais ça jase, ça jase.
- Va chier, t'es un esti de con! - Tu peux tellement être intelligent pis deux secondes après être tellement immature... - Tu me fais mal! - Arrête de chiâler pis décrisse. - Je ne suis pas amoureux de toi. - Va don' chier! - Baise-moi encore. - Un jour j'étais dans un parc, j'ai vu un mec en train de se pendre à un arbre, j'ai couru, j'ai soulevé son corps, j'ai senti la mort l'envahir pendant que je le tenais dans les airs...- Je suis en train de lire Barthes et... - Arrête de pleurer, t'es pathétique. - J'AI MAL J'AI MAL J'AI MAL J'AI MAL J'AI MAL. - Suce-moi. - Je ne suis pas ton esclave! - Tu es tellement mature pour ton âge... parfois j'en oublie nos différences quand on baise. - Encore, encore, encore, encore...
Les sévices n'étaient rien. J'en retirais de la fierté, de la valeur, de la culture et des blessures. En échange de mon corps, il me prêtait des livres, il m'encourageait, et je lui faisais des pipes dans la voiture pendant qu'il conduisait. Il m'habillait de cuir pour sortir, et nous finissions roulés comme des crêpes sur le gazon, sur un terrain privé, n'importe où, dans une ruelle sale, mon t-shirt déchiré, les lèvres déchiquetées, la queue souillée. Dans de rares mais puissants moments de tendresse, je lui faisais part de mes rêves, de mes projets littéraires, de mes peurs, de mes échecs. J'étais Werther et j'étais René (de Chateaubriand), il était Rousseau ou Gide, il mimait parfaitement Raymond Aron en train de contredire un communiste (Aron était imbattable, il connaissait Le Capital sur le bout de ses doigts), je lui parlais de mon dégoût pour Deleuze, il me chuchotait des obscénités, nous trinquions sur son balcon, lui, son chum, son ex, son ex-femme poétesse, l'ami de son chum et moi, santé, santé, vie et sexe, ivresse de tous les sens, dans tous les sens, Sinn et Bedeutung, la musique de Bach déconstruisant le blanc des murs et les visages comme des cubes lego. Je me suis humilié, je me suis fait fourrer comme une pute, j'étais le clou de la soirée et le plus brillant convive, épatant le vieil ami qui avait jadis connu Aragon, éblouissant les mandarins et les pique-assiettes, les pisse-lyres et les agités du bocal, irritant tout le monde par mon arrogance. J'avais 18 ou 19 ans. J'étais mince et niais comme une chanson d'amour des années quarante. Tout a commencé par un flirt avec mon prof de philo et ça s'est terminé dans la cave aux allures de donjon cheap, le sol couvert de boîtes de carton découpées, les murs de pierre de taille ornés d'anneaux et de mon corps accroché comme un trophée de chasse (Hoc est enim corpus meum - prenez-moi, mangez-moi tous pour me transsubstantier), le sang impur souillé de drogues, d'alcool, de perversions sexuelle, de littérature et de vie. Après une année ou deux de fornication, de conscience altérée, de délire et de sperme sur mon visage glabre, j'ai rencontré quelqu'un d'autre, quelqu'un de mieux, et nous nous sommes graduellement perdus de vue, aujourd'hui je ne regrette rien mais j'ai encore les violentes traces (invisibles à l'oeil nu) de ses genoux grêles sur mes épaules, de son mépris sur ma peau, de ses mots claquant des ordres dans mon esprit. Ce fut le début de la fin de quelque chose.
Je tague tout le monde qui me lit! Il vous faut composer un récit érotique (pas aussi personnel et aussi mauvais que le mien, s'entend).
8.4.09
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Débile ! Vraiment ! Peut-être une des choses que tu as écrites que j'ai préféré. C'est tellement investi. C'est aussi merveilleusement construit. Wow ! On dirait que tu travailles là-dessus depuis super longtemps. 'scuse-moi ! Mais cette phrase là, je crie au génie:"J'en retirais de la fierté, de la valeur, de la culture et des blessures." C'est comme la meilleure énumération ever ! LOL J'adore ! Bravo !
RépondreSupprimerJe suis envoute par se texte. J'adore. Puissant.
RépondreSupprimerJe suis troublé. Bien écris, vraiment... Mais je suis troublé. dis pas que ton texte est mauvais avant d'avoir lu le miens.
RépondreSupprimerC'est toujours un plaisir de te lire cher Bast ! :)
RépondreSupprimerMerci!!! Je vous aime, lectorat doré et adoré. Vous êtes trop bons. Je vous re-aime! :)
RépondreSupprimerJe te lis, mais je ne me sens pas l'âme d'un grand écrivain ce soir, alors j'irai avec une archive: http://chuckychuck-chuck.blogspot.com/2008/06/scoooore.html
RépondreSupprimerC'est écoeurant Bast !
RépondreSupprimerUn véritable trashoscope du cul. Le sperme dans tes mots est plus vrai que le vrai. Je le sens presque au coin de mes lèvres.
Tu me fais peur en même temps que tu me fais bander. Tes un génie avec des couilles.
Quel rythme !
Je suis flabbergasté.
Ton dévôt,
qui s'aplatit devant toi.
L'Achigan
On t'aime aussi Bast !
RépondreSupprimerChoc & Palpitations.
RépondreSupprimerMerci
J'étais mince et niais comme une chanson de Caroline Néron ! Faut le faire câlisse !
RépondreSupprimerDur aprentissage de la vie, mémoire moulée à jamais ! C'est beau !!!
RépondreSupprimer@ Chuck : Du vieux stock, c'est quand même bon! :P
RépondreSupprimer@ Youknowmebetter : Merci! En rougissant, je suis votre obligé...
@ motdotcom : Je suis ravi que ça vous plaise! À la joyeuse revoyure, alors! :)
@ Maphto : C'est incompréhensible pour moi mais je m'incline devant tant d'amour!
@ enamoration : Merci! :)
@ La Shirley : Je ne saurais mieux dire! Merci merci merci! :)
En finissant, j'ai fait "wow" !
RépondreSupprimerMerci à la tag qui m'a fait aboutir ici...
@ Pierre-Yves : Bénie soit la tag qui vous a fait aboutir ici! Ce "wow" que vous fîtes me ravis!!! :)
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