27.2.09

Passage à vide, passant de vie

Je me sens étrangement bien. Comme le calme avant la...

Et je marche sur le bord d'une falaise qui surplombe l'océan de mes peurs. Je marche lentement, le sourire aux lèvres, ce sourire que je n'aime pas car il me donne l'air un peu con, et je n'aime pas trop avoir l'air con quand ce n'est pas volontaire. J'entends des cris qui viennent d'en bas, qui flottent sur les flots asymétriques. Beau comme le cri d'une naïade empoisonnée, agonisant sur un récif entre un parapluie et un laptop brisé. Beau comme un trisomique qui crève les yeux d'une petite fille sourde qu'on a clouée sur une clôture d'hôpital psychiatrique désaffecté. Beau comme une toux ensanglantée dans un film de Baz Luhrmann qui prend feu dans le local de projection et qui embrase les chevelures des spectateurs aux applaudissements de journalistes français à Cannes durant le festival même si je n'ai pas payé mon billet d'entrée. Beau comme l'océan, vieil océan, qui se jette dans le fleuve pour remonter jusqu'aux Grands Lacs et inonder Laval en passant.

J'ai envie de sauter dans l'océan. Les vagues m'emporteront vers des rivages inconnus, aux tracés mouvants comme les flammes dans les yeux de l'Achigan. Et je monterai l'océan à crue, à marée haute, sans équivoque. Réinventerai des pays qui disparaissent dans les brumes, des époques qui ont connu des monstruosités exotiques, intimes. Qu'il m'amène loin, et qu'il me montre avec délice ou arrogances ses mystères antédiluviens, loin dans les abysses qu'Alyss tisse comme une moderne Pénélope, entre un requin lubrique et une déesse titanesque, fille du Chaos et de Gê, plus forte que Poséidon le dieu aux chevaux piaffants. Qu'il m'amène là où les mots barbares sont inscrits sur des pierres brillantes qui chantent au matin, comme s'il n'eut fallu que de pluie et d'arc-en-ciel bifide pour qu'ils éclatassent en mille et mille et dix mille éclats de silex aux formes d'instruments de musique anciens, pour aller se perdre à jamais en une dernière musique dans les fosses abyssales qui ne peuvent être aussi inhospitalières que ce monde aux lignes trop saillantes, aux angles trop crus, aux lumières trop stellaires, aux baisers qui nous rendent vulnérables comme un stratège grec réfugié chez le Roi des rois achéménide, - Thémistocle je pense à toi et je te rends hommage en sacrifiant des chèvres sacrées sur l'autel en ruine, celui bâti par Melchisédech il y a mille et mille et dix mille ans.

Ô Vieil Océan, aux fumigations mortelles. Ô Vieil Océan qui m'appelle par mon nom secret. Océan de toutes mes craintes et de toutes mes merveilles. Tu es carnassier et tu es chaleureux. Je te salue, Vieil Océan!

Mais tu te retires en me laissant sur la grève famélique où les perles scintillent dans le matin comme une plage telle que nous n'en avons plus vue d'égale depuis dix mille ans. Et je remonte sur la falaise sur le bord de laquelle je sais mon destin surmonté d'une auréole sanglante. Et je ris, avec beaucoup de commisération pour les chercheurs d'ailleurs, pour les voyageurs des frontières et pour les Vérificateurs des poids et des mesures aux binocles tachés de suie. À mes pieds nus dans le pauvre lichens qui chatouille les coeurs trop tôt consumés, les étendues marines se sont égarées dans le rêve de quelqu'un d'autre et je contemple avec satisfaction le vide brumeux qui m'appelle.

Fais un voeu, l'Achigan :

3 commentaires:

  1. Seb, quand tu écris comme çà, j'ai vraiment un kick sur toi!

    RépondreSupprimer
  2. Le jour ou un gars va me dédier un billet comme ça, je pense que la Terre n'existera déjà plus depuis des millions d'année. C'est pas grave. Les billets que J. me dédie sont beaux aussi. Sont juste pas écrit dans la même optique.

    RépondreSupprimer
  3. Je ne sais pas trop pourquoi exactement, mais je ressens de la tristesse à lire ton commentaire, Alex. Ça me bouleverse et me rend mal à l'aise... Car je n'ai pas la prétention de croire que de dédier un billet comme celui que j'ai écrit représente la quintessence de ce qu'un gars peut offrir, peut t'offrir... Je suis touché et honoré que tu aimes ce que j'écris, par contre. Je reste humblement ton obligé. Et mon affection pour toi est vaste comme l'océan.

    RépondreSupprimer

Faites comme chez Bast