12.3.09


Une montagne et une rivière : 山水
Un art qui, du fin fond de la Chine médiévale, parle de moi et peint mon paysage familier : un petit mont bien peu royal, un fleuve qui coule comme un ruisseau.

Et je m'apaise |


Montée au pavillon de l'étang

Le dragon cornu des abîmes rayonne de beauté secrète;
L'oie sauvage, en son vol, emplit l'espace de ses cris.
Pour vivre au firmament, j'ai honte de n'avoir l'aisance des nuages;
Pour gîter sous les eaux, je rougis de n'avoir la profondeur des gouffres.

Cultiver la vertu? Je connais ma sottise...
Retourner à la terre? Je manque de vigueur...
Au fil de ma carrière, je touche aux mers du bout du monde,
Pour me coucher, malade, auprès des bois déserts.

Entre les draps et l'oreiller, j'embrouille les saisons;
Ouvrons donc le rideau, et jetons un coup d'oeil.

Je prête l'oreille et perçois les vagues de la mer;
Je lève les yeux et discerne une chaîne escarpée.
Un nouveau paysage succède au souffle de l'hiver;
Le Yang en sa fraîcheur relève le Yin épuisé.

La berge de l'étang se couvre d'herbes printanières;
Les saules du jardin suscitent les oiseaux chanteurs.
Foisonnante foison, poignante comme un chant de Pin!
Opulente opulence, touchante comme un air de Zhou!

Vivre tout seul, c'est couler à jamais des jours faciles;
Mais, loin du monde, il est ardu de bien asseoir son âme.
Pourquoi réserver aux Anciens la maîtrise de soi?
L'apaisement, j'en ai la preuve, est possible aujourd'hui.

Xie Lingyun 謝靈運
(385-433 è.c.)


Yin et Yang s'unifient en moi quand je te baise. Ma concentration atteint son paroxysme. Le dormeur du val s'évanouit à l'horizon. Je m'oublie |



Je suis le Dragon insatiable, dansant dans ses nuées et dans ses vapeurs s'enroulant, se déployant, puissant et jouissant. Nos caresses dessinent des paysages étranges, montagnes et rivières. Nos baisers calligraphient sur nos peaux vibrantes un poème qui chante les âges héroïques des Dynasties du Nord et du Sud ; qui se lamente sur le temps inexorable, ce phénix ; qui s'indigne des moralistes et des censeurs ; qui exalte beauté, sensualité, crispation extrême avant l'extase ; qui compose savamment des tercets spontanés, mélodieux.

Les Trois Gorges
三峽 s'emplissent de brumes ; le sage traverse le barrage sans s'en soucier, en sautillant, ses sandales mouillées, le regard tourné vers la montagne escarpée. Des dieux serpentiformes s'émeuvent dans leurs temples en ruine ; le Dao recueille les dernières gouttes de rosée. Il n'y a plus de frontière entre campagne et ville. La conscience s'abolit |



Et je retourne ensuite dans mon orient très distant, insensible aux tourments des hommes, aux changeantes couleurs des Dix mille êtres, des Cent familles et des Sept royaumes : "Entre les draps et l'oreiller, j'embrouille les saisons."


Ce qui s'est passé : trois coups de pinceaux sur le papier de riz. De l'encre il n'y a plus trace et pourtant, tout s'est dit.





1 commentaire:

  1. Petit rappel pour la rencontre de blogeurs Blog Off, qui se déroulera ce samedi, 20h.

    Tes lecteurs sont les bienvenus!

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